
Fier de ses origines écossaises, Alan Mackintosh n’a cessé de célébrer sa terre natale. Il rejoint le bataillon des Seaforth Highlanders début 1915 et combat dans la Somme et en Artois. Après une blessure et une longue convalescence, il envisage de partir en Nouvelle-Zélande avec sa jeune épouse mais le souvenir des camarades tués au combat l’en empêche. Il meurt près de Cambrai en novembre 1917. |
Un poème à la bien-aimée
Alan Mackintosh est né dans le sud de l’Angleterre, à Brighton, dans une famille d’origine écossaise restée attachée à ses origines. Le jeune Alan se rend chaque année en vacances sur la terre de ses ancêtres avec ses parents. Après une scolarité où il montre de réelles aptitudes mais aussi une tendance à défier l’autorité, il intègre Christ Church, à Oxford. Il y apprend le gaélique et s’essaie à la cornemuse. Son autre passion est la poésie.
Début 1915, il rejoint un bataillon territorial, le 5th Seaforth Highlanders, au nord de l’Écosse. Désireux de renouer avec ses racines écossaises, Alan Mackintosh apprécie l’atmosphère qui règne au sein du bataillon, dont la structure rappelle celle des clans ancestraux. Il arrive en France en juillet 1915, à Authuille. A cette époque, la Somme est un secteur relativement calme. Pour divertir ses hommes, il écrit des textes parodiques sur des airs populaires.
En mars 1916, le bataillon est transféré au nord d’Arras, dans un secteur réputé dangereux. Les précédents combats entre Français et Allemands y ont été particulièrement violents. En mai, il doit mener un coup de main dans le no man’s land, manœuvre périlleuse où les nerfs peuvent lâcher à tout moment. L’opération se solde sur un bilan de quatre morts côté britannique. Il obtient une décoration et écrit un poème sur ses camarades tués. Un des thèmes récurrents de sa poésie est la peur de la mort et la nécessité de la vaincre.
Après une permission au pays, il se retrouve à Vimy, puis à Fricourt. Suite à une attaque dans le secteur de Mametz, il est blessé et gazé. Évacué en Angleterre, il lui faut six mois pour guérir de ses blessures et six autres pour se rétablir complètement. Pendant ce temps, il se sent coupable de ne pas être auprès de ses camarades et éprouve des difficultés à communiquer avec ceux qui n’ont pas connu l’épreuve du feu. Versé dans un bataillon à Cambridge, il devient instructeur pour les nouvelles recrues. Il tombe alors amoureux d’une jeune fille quaker appelée Sylvia. Ils envisagent de se marier et de partir en Nouvelle-Zélande. Mais la culpabilité ronge Alan et le pousse à se porter volontaire pour réintégrer les forces combattantes.
Sitôt arrivé au front, en septembre 1917, il envoie à Sylvia le poème reproduit ci-après, où il explique sa décision de repartir au combat. Le 20 novembre à l’aube, une nouvelle arme fait son apparition dans l’histoire de la guerre : le char d’assaut. Les Mark IV britanniques s’avèrent dans un premier temps très efficaces et enfoncent les défenses allemandes près de Cambrai, obligeant l’ennemi à se replier. Mais la contre-attaque allemande ne tarde pas à venir et entraîne de violents combats. Mackintosh est tué le 21 novembre à Cantaing-sur-Escaut d’une balle dans la tête.
En face du château d’Edimbourg se dresse un mémorial célébrant la contribution écossaise à la Grande Guerre. Derrière la statue représentant un soldat des Highlands, des ouvriers, des mineurs et des bergers suivent une fanfare militaire qui marche au pas cadencé. Sous cette scène sculptée dans la pierre, on peut lire ces vers du lieutenant Alan Mackintosh :
Si c’est la vie qui m’attend, je vivrai à jamais victorieux
Si c’est la mort, je partirai du moins avec mon honneur et ma liberté.
A Sylvia Il y a deux mois, le ciel était bleu, Les champs verts et frais, Et vert aussi le saule se dressait Sur la rive de l’indolent ruisseau. Il y a deux mois, nous regardions La rivière couler à nos pieds. Mais aujourd’hui, tu as repris ta besogne Et je rampe dans un fossé. Dieu sait – ma belle amie – je ne voulais pas Me lever de la berge et te quitter ainsi, Mais les mains des morts me faisaient signe Je savais que je devais y aller. Les yeux des morts me regardaient, ma belle, Leurs lèvres m’interrogeaient aussi : Nous avons fait face et payé le prix – Nous avez-vous trahis ? Les jours seront longs, ma belle, Avant que nous nous revoyions, De longs jours de boue et de corvées pour moi, Pour toi de longues douleurs à soigner. Mais tu me pardonneras, ma belle amie, Parce que tu sais maintenant Que je peux regarder mes amis morts en face, Ce que je ne pouvais pas faire il y a deux mois. | To Sylvia Two months ago the skies were blue, The fields were fresh and green, And green the willow tree stood up, With the lazy stream between. Two months ago we sat and watched The river drifting by– And now–you’re back at your work again And here in a ditch I lie. God knows–my dear–I did not want To rise and leave you so, But the dead men’s hands were beckoning And I knew that I must go. The dead men’s eyes were watching, lass, Their lips were asking too, We faced it out and payed the price– Are we betrayed by you? The days are long between, dear lass, Before we meet again, Long days of mud and work for me, For you long care and pain. But you’ll forgive me yet, my dear, Because of what you know, I can look my dead friends in the face As I couldn’t two months ago. |