
Siegfried Sassoon part au combat le cœur léger mais la désillusion, l’amertume et la colère ne tardent pas à venir. Ses poèmes deviennent de plus en plus virulents. Par la suite, il reviendra longuement sur son expérience de guerre, dans plusieurs récits essentiels, qui feront de lui une des figures majeures de la littérature de témoignage issue de la guerre. Un film récent, Les carnets de Siegrfried (2024), fait découvrir son parcours au public français. |
Une poésie de la dénonciation
Siegfried Sassoon est sans conteste un des plus grands noms de la littérature britannique de la Grande Guerre en termes d’influence et de notoriété, aux côtés de Wilfred Owen, dont la reconnaissance sera plus tardive. S’il est de bon ton aujourd’hui de considérer ses poèmes de guerre inférieurs à ceux de Wilfred Owen et d’Isaac Rosenberg, entre autres, il serait injuste de les dénigrer. Les poèmes que Sassoon a écrits pendant la guerre, et qui ont été initialement publiés dans les journaux puis sous forme de recueil en 1918 et 1919, conservent tout leur impact. Quant à ses mémoires publiés en deux fois, sous une forme semi-fictionnelle à la fin des années 20, puis sous une forme plus directement autobiographique dans les années 30 et 40, ils constituent une œuvre de premier plan, qui par son ampleur et sa pertinence, continuent d’être une des références incontournables de la littérature de témoignage.
Le parcours de Siegfried Sassoon est à la fois emblématique de ce qu’ont vécu la majorité des écrivains-combattants et très singulier dans sa radicalité. Sa dénonciation de la conduite de la guerre a pris un chemin que peu ont eu l’audace ou le courage de suivre. Dans ses sinuosités, ses revirements et ses fulgurances, l’expérience de Sassoon entre 1914 et 1918 rend compte de la complexité du vécu des combattants.
Issu d’une famille de banquiers juifs, Siegfried Sassoon naît le 8 septembre 1886 à Brenchey, dans le Kent. Son père quitte le domicile conjugal quand il est enfant et meurt peu de temps après. C’est le seul drame d’une enfance idyllique sous bien des aspects. Dans Mémoires d’un chasseur de renards (1928), il la dépeint avec une force nostalgique qui a séduit bon nombre de lecteurs. L’Angleterre qu’il nous donne à voir dans ce roman autobiographique est un monde oisif et serein, où les parties de chasse au renard dans les collines du Kent semblent être la seule préoccupation d’une jeunesse qui a fait de l’insouciance un art de vivre.
Comme la plupart des jeunes Britanniques de son milieu, Sassoon compose des poèmes. Remarqué juste avant la guerre par Edward Marsh, l’initiateur du mouvement des poètes georgiens, il s’installe à Londres en espérant démarrer une carrière littéraire. Mais le mois d’août 1914 vient mettre un terme à sa vie de bohème. Il s’engage immédiatement dans la cavalerie. La guerre n’est à ses yeux qu’une aventure exaltante, un pique-nique ensoleillé, auquel il compte participer avec une désinvolture toute britannique. Il a alors 28 ans.
Sassoon ne participe pas tout de suite aux combats. Il se fracture en effet le bras suite à une chute de cheval, ce qui retarde son départ pour le front. Il arrive en France en novembre 1915, au sein des Royal Welsh Fusiliers. Le même mois, il apprend la mort de son frère, tué à Gallipoli, et écrit à cette occasion un poème d’hommage patriotique, dans la droite lignée de ce que les poètes des tranchées écrivaient au début de la guerre.
Comme pour la plupart des combattants, l’enthousiasme et le patriotisme de Siegfried Sassoon ne tardent pas à s’éroder. Ses poèmes prennent une tendance nettement moins élégiaque. Entre son arrivée en France, en novembre 1915, et son retour au front en décembre 1916, après une période d’hospitalisation, le regard qu’il porte sur la guerre a radicalement changé. Les images auxquelles il recourt dans ses poèmes deviennent d’un réalisme sans concession. Le ton est ouvertement celui de la colère, voire de la dénonciation.
L’évolution de Siegfried Sassoon est emblématique du parcours de la majorité des combattants. Pour la plupart d’entre eux, la cassure s’est opérée en juillet 1916, la bataille de la Somme ayant été un véritable traumatisme pour l’armée britannique. Cependant, pour Sassoon le choc décisif s’est produit un peu auparavant. Le 18 mars, son meilleur camarade, David Thomas, est tué. Cette mort l’affecte au plus haut point. Si l’insensibilité face à la mort est une donnée obligée pour tout combattant, il arrive aussi qu’une mort particulière, celle d’un frère ou d’un camarade, provoque des réactions violentes et désordonnées. Suite à cette perte, la guerre devient pour Sassoon une sorte de croisade personnelle, avec une volonté farouche d’en découdre. Son ardeur au combat s’en trouve décuplée, atteignant parfois une attitude quasi suicidaire. Le 26 mai, les hommes qu’il a sous ses ordres participent à un coup de main dans le no man’s land. Apprenant que le caporal O’Brien est blessé, Sassoon part le chercher, désobéissant aux ordres. Il parvient à le ramener à la tranchée mais O’Brien meurt. J’aurais tout donné pour qu’il vive, écrit-il dans ses mémoires. Quand je vais maintenant en patrouille dans le no man’s land, son fantôme m’accompagne. Il acquiert dès lors une réputation de casse-cou et reçoit la Médaille Militaire pour avoir ramené des blessés sous le feu nourri de l’ennemi. Au cours de l’été, il tombe malade et doit être hospitalisé, d’abord à Amiens puis à Rouen, où un médecin le renvoie en Angleterre.
Cette période correspond à une crise majeure. Loin des combats, il aboutit à un constat sans ambages. Il n’y a plus de juste cause, l’amertume et le désespoir ont pris le pas. Chez la plupart des combattants, ceci s’est traduit par une résignation muette. Sassoon, lui, choisit d’exprimer sa colère. Il rédige quelques poèmes virulents où les attaques contre l’état-major ne sont plus voilées.
Après une période de convalescence dans sa famille, Sassoon passe le mois d’octobre avec Robert Graves, qui est également en permission de convalescence. Graves, qui publiera Adieu à tout cela en 1929, écrit aussi des poèmes. Les deux hommes combattent dans le même bataillon, le 1st Royal Welsh Fusiliers.
L’art poétique de Sassoon s’affine. Dans un style dénué de toute sophistication, il recourt à un réalisme essentiellement basé sur l’image. C’est ce qui fait toute la force de sa poésie, mais aussi sa faiblesse, l’exploration de la langue étant secondaire, voire parfois inexistante. C’est une poésie qui se veut une réponse immédiate à ce qu’il vit. Nombre de ses poèmes sont centrés autour d’une impression, qu’il cherche à rendre dans toute sa force visuelle, aussi parfois d’une simple idée qu’il cherche à illustrer. Le souvenir obsédant des camarades disparus, la peur de voir s’allonger la liste des morts, sa haine de plus en plus grandissante des états-majors, tout cela il le jette avec force sur le papier. Il retourne au front le 4 décembre 1916. En avril 1917, il prend part à des attaques sur la ligne Hindenburg et reçoit une balle entre les épaules. Evacué à l’hôpital de Denmark Hill, il rédige quelques poèmes où sa haine des faiseurs de guerre est une fois de plus exprimée en termes virulents. En juillet, sa révolte le fait franchir un pas de plus. Il rédige un manifeste contre les autorités militaires et demande à un député de le lire à la chambre des communes.
Ceci est un acte délibéré de défi contre l’autorité militaire, parce que je crois que cette guerre est sciemment prolongée par ceux qui ont le pouvoir d’y mettre un terme. Je suis un soldat et je suis convaincu de parler au nom de tous les soldats. Je crois que cette guerre, où je me suis engagé parce que je la tenais pour une guerre de défense et de libération, est devenue une guerre de conquête et d’agression (….)
La production d’un tel texte est passible de la cour martiale. Son ami Robert Graves en prend connaissance et mesure tout de suite la gravité de la situation. Il se rend à Liverpool pour rencontrer Sassoon, qui non seulement ne se rétracte pas mais jette même sa médaille militaire dans la rivière Mersey. Graves réussit à convaincre les autorités militaires que Sassoon a subi un traumatisme suite aux bombardements. On l’envoie à Craiglockhart, l’hôpital écossais où sont soignés les soldats traumatisés. Il y rencontre Wilfred Owen, qui écrira par la suite des poèmes de guerre qui deviendront des classiques pour plusieurs générations de Britanniques. Les deux jeunes hommes échangent des vues sur ce que doit être l’art poétique en tant de guerre.
Au cours de 1917, Sassoon réussit à publier régulièrement des poèmes dans différentes revues. Son premier recueil sera édité en mai 1918. Si l’accueil critique est favorable, le public n’est pas prêt à recevoir un discours aussi véhément contre la guerre. En fait, l’arrière s’intéresse peu aux écrits des combattants et ne désire pas vraiment connaître leur vécu, préférant se conforter dans les représentations mensongères de la presse et de la propagande officielle. Le fossé qui s’est creusé entre ceux de l’arrière et le front a grandement affecté les combattants et a poussé plus d’un à prendre la plume pour rétablir la vérité. Dans son poème Gloire aux femmes, Sassoon s’en prend aux mères qui glorifient leurs fils blessés au combat du moment bien sûr que la blessure affecte une partie du corps que l’on puisse mentionner sans honte.
Le 26 novembre 1917, Sassoon est déclaré apte à reprendre du service. Si son manifeste exprimait clairement le refus du combat, la culpabilité de ne pas être à côté de ceux qui se battent est la plus forte. Mais il ne retourne pas en France. En janvier 1918, il est posté à Limerick, en Irlande. La douceur de la vie irlandaise lui permet de récupérer pleinement tous ses moyens. Il est prêt à repartir au combat. Envoyé à Jérusalem, il n’y reste qu’un mois. En mai, il réintègre son unité dans le secteur d’Arras. Au mois de juillet, il reçoit une balle en pleine tête, accidentellement tirée par un de ses sergents. Une fois de plus, Sassoon reprend le circuit des hôpitaux militaires. La guerre est terminée pour lui.
Tout au long de sa vie, Siegfried Sassoon ne cessera de revenir sur son expérience de combattant. The Complete Memoirs of George Sherston, trilogie composée de Mémoires d’un chasseur de renards (1928), Memoirs of an infantry officer (1930)et Sherton’s Progress (1936), est une œuvre à la fois romanesque et autobiographique. La distanciation romanesque permet à Sassoon de nous donner un récit nuancé, au style élaboré, et de proposer différents angles. Une de ses techniques favorites est celle de la juxtaposition. En confrontant des réalités et des sensations très différentes, voire opposées, il tente de montrer la complexité de l’expérience vécue par le combattant. Il y a chez lui un art du récit très subtil, où la nostalgie n’exclut pas la colère et la dénonciation.
Devenu un des grands noms de la littérature britannique de la Grande Guerre, Siegfried Sassoon mènera une vie placée bien souvent sous le signe de la contradiction. Son homosexualité ne l’empêche pas de se marier en 1933 et d’avoir un fils en 1936. Militant pacifiste pendant les années 30, il affiche des sympathies politiques de gauche, mais sans jamais s’engager vraiment. En 1957, il se convertit au catholicisme.
Le premier extrait aborde le problème des mémoires de guerre : comment retranscrire le vécu de la guerre ? Comme souvent chez Sassoon, les descriptions de paysage et d’éléments naturels côtoient les réalités de la guerre. Le second extrait tente de définir l’état d’esprit des combattants au début de 1916.
Le soir suivant, juste avant l’appel aux armes, j’ai longuement contemplé les rougeoiements du coucher de soleil et je me suis dit que le ciel était un des éléments rédempteurs de la guerre. Là où je me trouvais, derrière les tranchées de soutien, le terrain criblé de trous d’obus s’enfonçait dans la pénombre; les distances étaient bleues et solennelles, un petit bosquet se dressait en haut d’une crête, masse sombre qui se découpait sur les cendres rougeoyantes d’un jour finissant, un de plus, qu’il avait fallu endurer. Portant mon regard en direction de l’ouest, loin de la guerre, je vis l’étoile du soir qui scintillait en toute sérénité. Des canons grondaient dans le lointain. On entendait les convois passer sur les routes situées derrière Fricourt; le fait qu’ils fussent allemands ne cessait de m’étonner.
Quand je regarde en arrière et que j’essaie de retrouver la texture exacte de pareils moments, je m’aperçois qu’ils sont impossibles à reproduire. La mémoire élimine l’ennui et les contraintes physiques pour ne retenir que l’impression incomplète d’une expérience étrange, intense et unique. S’il était possible de revenir sur terre après la mort et si les fantômes pouvaient traverser le temps pour choisir les lieux qu’ils veulent hanter, je retournerais au secteur du Bois Français tel qu’il était à l’époque. Mais comme je suis convaincu que les spectres sont privés du sens de l’odorat (et je ne suis pas sûr non plus que leur ouïe soit opérationnelle), de telles expéditions surnaturelles seraient aussi décevantes que celles qui absorbent présentement mon énergie mentale. Il faut savoir que la vie dans les tranchées sollicitait en permanence les sens; et bien que nos actions fussent dominées par la discipline militaire, notre instinct animal prenait toujours le dessus. Au moment précis que j’évoque, je n’avais aucun désir d’analyser mon environnement. Je souhaitais simplement être libéré de l’oppression qu’il engendrait. En écoutant le roulis lointain des convois ennemis, je pensais à une vieille gouvernante allemande que j’avais connue, qui me parlait souvent de « ces chers Molkte et Bismark », de la paix qui régnait dans sa maison en Westphalie et de son père qui était pasteur protestant. Je me demandais à quoi pouvait ressembler la Westphalie et regrettais de ne pas avoir davantage parcouru le monde avant qu’il ne se résume à un lieu où l’on verse le sang. Il faut dire qu’avant de partir à la guerre je n’avais qu’une notion très brumeuse de tout ce qui n’était pas l’Angleterre.
Je me trouvais donc là, avec ma vie au goût d’inachevé, qui était susceptible de se terminer à tout instant; l’air du soir, jusque là aussi paisible qu’une cathédrale, fut en effet troublé par un projectile qui s’abattit à proximité et brisa net le cours de mes méditations, aspirées dans le fracas infernam d’un nuage de fumée noire. Un rat se faufila parmi les boites de conserve et les sacs de remblai éventrés, une odeur de chaux me parvint aux narines : l’atmosphère des tranchées avait reprit ses droits. Tandis que je retournais à la cagna pour y chercher mon revolver en vue de l’appel aux armes et de la revue de détail, j’entendis la voix de Flook, à un tournant de la tranchée de soutien, qui demandait à un des grenadiers de la compagnie s’il n’avait pas vu son supérieur partir dans cette direction. Flook était pressé de m’apprendre que j’avais une permission. J’inspectai à la hâte les fusils de ma section et quelques minutes plus tard je descendis la tranchée d’Old Kent Road. La redoute Maple essuyait son habituel bombardement du soir. Un homme venait d’être tué quelques minutes auparavant par un obus de 77. Aussi étais-je heureux de me trouver sur la route de Morlancourt en compagnie de Dottrell; heureux également de me rendre le lendemain à la gare de Méricourt derrière un cheval qui traînassait; d’entendre les mélodieuses cloches de Rouen fendre l’air du soir tandis que le train de permissionnaires faisait un arrêt, ne se décidant qu’une demi-heure plus tard à poursuivre nonchalamment sur Le Havre. Cette série de bénédictions trouva son apogée dans une paisible maison de Kensington, celle d’un ami de tante Evelyn, où je passai la nuit.
Absolution
L’angoisse de la terre absout notre regard,
La beauté luit alors sur toute chose où il se porte.
La guerre est notre fléau, mais la guerre nous rend sages;
Combattant pour la liberté, nous devenons des hommes libres.
L’horreur de la blessure, la colère face à l’ennemi,
Et la perte des choses chères; tout cela doit passer.
Nous sommes la joyeuse légion, car nous savons :
Le Temps n’est qu’une brise argentée qui fait onduler les prés.
Il fut un temps où nous répugnions à quitter
Cette vie où nous voulions notre juste dû.
Maintenant que nous avons accueilli cet héritage du coeur,
Que vouloir de plus, mes camarades, mes frères ?
[L’auteur commente ainsi ce poème, écrit en 1915 avant l’arrivée au front :
« C’est ce que l’on pensait quand on s’engageait en 1914 et 1915. Mais personne n’a plus ressenti cela par la suite. Seule est restée une étrange nostalgie pour « le bon vieux temps passé à Givenchy ». Mais il y aura toujours des « bon vieux temps », même pour ceux qui passent avantageusement de l’enfer au paradis ! »]
Absolution
The anguish of the earth absolves our eyes
Till beauty shines in all that we can see.
War is our scourge ; yet war has made us wise,
And, fighting for our freedom, we are free.
Horror of wounds and anger at the foe,
And loss of things desired ; all these must pass.
We are the happy legion, for we know
Time’s but a golden wind that shakes the grass.
There was an hour when we were loth to part
From life we longed to share no less than others.
Now, having claimed this heritage of heart,
What need we more, my comrades and my brothers ?
Avril-septembre 1915
A mon frère
Donne-moi la main, mon frère, explore mon visage;
Fixe ces yeux pour que je ne connaisse pas la honte;
Car nous avons mis un terme à toute chose vile.
Nous retournons par la route qui nous a vus arriver.
Ton lot est avec les esprits des soldats morts,
Et je suis au champ où l’homme doit se battre.
Mais dans la pénombre, je vois ton visage glorieux
Et par ta victoire, je gagnerai la lumière.
18 décembre 1915
[Hamo, le jeune frère de Sassoon, venait d’être tué à Gallipoli.]
To My Brother
Give me your hand, my brother, search my face ;
Look in these eyes lest I should think of shame ;
For we have made an end of all things base.
We are returning by the road we came.
Your lot is with the ghosts of soldiers dead,
And I am in the field where men must fight.
But in the gloom I see your laurell’d head
And through your victory I shall win the light.
Suicide dans la tranchée
J’ai connu un brave petit soldat,
Qui souriait en toute innocence à la vie.
Dans la solitude de la nuit, il dormait sans souci.
Au réveil, il sifflait avec l’alouette du petit matin.
Dans les tranchées funestes et glacées de l’hiver,
Des obus, des poux et trop peu de rhum,
Il se logea une balle dans la tête.
On ne parla jamais plus de sa personne.
Vous, les foules impudentes aux regards exultants,
Qui aux braves soldats en parade accordez votre liesse,
Rentrez donc chez vous et priez que jamais vous ne connaissiez
Cet enfer où disparaissent les rires et la jeunesse.
[Poème publié dans le Cambridge Magazine du 23 février 1918.]
Suicide in the trenches
I knew a simple soldier boy
Who grinned at life in empty joy,
Slept soundly through the lonesome dark,
And whistled early with the lark.
In winter trenches, cowed and glum,
with crumps and lice and lack of rum,
He put a bullet through his brain.
No one spoke of him again.
You smug-faced crowds with kindling eye
Who cheer when soldier lads march by,
Sneak home and pray you’ll never know
The hell where youth and laughter go.