Richard Aldington (1892-1962)

Mort d’un héros, publié en 1928, est un portrait sans concession de l’Angleterre  du début du siècle et des réalités de la guerre. Auteur à la plume acide, Aldington était poète avant de partir au front en 1917. Il restera fortement marqué par ce qu’il a vécu en France. Il écrira de nombreuses  biographies, dont celle T.E. Lawrence, qui sera très controversée.

              

Un homme en colère

Richard Aldington débute sa carrière littéraire en 1911 au sein du mouvement poétique des Imagistes, qui connaît son heure de gloire entre 1910 et 1917. Après avoir fait la connaissance d’Ezra Pound, le principal initiateur de ce mouvement d’avant-garde, il épouse en 1913 l’auteure américaine Hilda Doolittle, plus connue sous les initiales H.D., qui fait également partie des Imagistes. Tournant le dos au romantisme, ces poètes prônent un traitement précis de l’image, loin de toute abstraction, avec recours au vers libre. Ils sont également influencés par la littérature extrême-orientale, notamment les haïkus japonais. Le premier recueil d’Aldington, Images 1910-1915, paraît en 1915 et le deuxième, Images of War, en 1919.

       En 1914, il travaille en collaboration avec Ford Madox Ford sur des ouvrages de propagande, avant d’écrire pour la revue The Egoist et de  partir pour le front en 1917, au sein des Royal Sussex, en qualité de signaleur. Blessé en avril 1918, il ne se remettra jamais complètement de son expérience de guerre, souffrant pendant des années de stress post-traumatique.

       Après la naissance d’un enfant mort-né en 1915, Hilda vit avec Cecil Gray, un ami de D.H. Lawrence, pendant qu’Aldington se bat en France. Elle accouche d’une fille issue de cette liaison et vers la fin de la guerre entame une relation homosexuelle avec Annie Winifred Ellerman, qui publie sous le nom de Bryther. Malgré cet imbroglio sentimental digne d’un roman à sensations, Richard Aldington ne souhaite pas rompre avec son épouse.  En 1919, le couple essaie de surmonter ses difficultés mais la séparation s’avère très vite inévitable. Ils ne divorcent cependant qu’en 1938 et restent amis tout au long de leurs vies.

     En 1928, Aldington quitte l’Angleterre pour s’établir en France. C’est en Provence, sur l’île de Port-Cros, qu’il écrit Death of a Hero à partir d’un premier manuscrit rédigé dix ans auparavant. Roman d’un désenchantement total et d’un humour souvent exubérant, Death of a Hero est une réussite littéraire évidente qui établira la réputation de l’auteur. Les deux premières parties retracent la jeunesse et le mariage moderne de George Winterbourne, ce qui nous vaut un portrait dévastateur de l’Angleterre du début du siècle. Les petits bourgeois et le monde de la bohème artistique font l’objet d’une satire féroce. La troisième partie est centrée sur la guerre.

       Ce roman est le portrait d’une génération perdue. L’amertume peut parfois laisser supposer que l’auteur fait preuve de misanthropie, mais il s’agit avant tout de colère. Celle-ci est exprimée avec un humour ravageur, très britannique, et une verdeur de langue qui vaut à son auteur quelques problèmes avec la censure. La première publication en Angleterre a d’ailleurs été tronquée.

       En 1930, Aldington publie une traduction du Décaméron et en 1933 un roman intitulé All men are enemies, qui reprend le thème de la désillusion engendrée par la Grande Guerre. En 1942, exilé aux États-Unis avec sa nouvelle épouse, Netta Patmore, il entame un cycle de biographies sur Wellington, D.H. Lawrence, Robert Louis Stevenson et T.E. Lawrence. Celle consacrée à T.E. Lawrence (immortalisé au cinéma par le film Lawrence d’Arabie) causera un scandale retentissant. Le milieu littéraire ne pardonnera jamais à Richard Aldington de s’être attaqué à la figure légendaire de Lawrence et de l’avoir en partie montré sous les traits d’un imposteur. Si par la suite les biographes et les historiens donneront raison à Aldington, l’effet du livre n’en est pas moins désastreux pour son auteur dans les années 50.

       Il meurt en France, à Sury-en-Vaux, en 1962. Le Times écrit alors : Il fut un jeune homme en colère avant que ce concept ne devienne à la mode… et est resté jusqu’au bout un vieil homme en colère.

Extrait :

CRÉPUSCULES  
La masse blanche du soir
Se déchire écarlate,
Entaillée, vidée, brûlée,
Vire au cramoisi,
Et flotte ironique
En guirlandes de brumes.
Et le vent
Qui souffle des Flandres vers Londres
A un goût amer.  
SUNSETS  
The white body of the evening
Is torn into scarlet,
Slashed and gouged and seared
Into crimson,
And hung ironically
With garlands of mist.  
And the wind Blowing over London from Flanders
Has a bitter taste.  

TOMMIES 14-18

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