
Fils de baron, Osbert Sitwell prend part à la bataille de Loos et écrit des poèmes qui dénoncent la guerre. Après 1918, il entamera une carrière littéraire à succès, tout comme son frère et sa sœur, Sacheverell et Edith. |
Leur vie naissante n’était autre que leur tombeau.
Né à Londres en 1892, Osbert Sitwell est fils de baronnet et portera lui-même ce titre de noblesse en 1943, à la mort de son père. Après des études à Eton, il rejoint l’armée et intègre les Grenadier Guards de la Tour de Londres, plus par tradition familiale que par passion pour la vie militaire, semble-t-il. Cette affectation lui permet de profiter pleinement de la vie artistique de la capitale.
Il arrive dans le secteur d’Ypres à la fin 1914 et prend part quelques mois plus tard à la bataille de Loos. C’est sur le front qu’il s’essaie pour la première fois à la poésie. Le Times publie un de ses poèmes intitulé Babel en mai 1916. La même année, il édite avec sa sœur Edith et son frère Sacheverell la revue Wheels, où sera publiée les vers de bon nombre de poètes des tranchées. Tout comme Osbert, Edith et Sachevrell mèneront une carrière littéraire après guerre.
De 1915 à 1918, les poèmes qu’écrit Osbert Sitwell sont de plus en plus amers. Ils s’inscrivent dans la veine désenchantée de Sassoon et d’Owen, poètes avec lesquels Sitwell a des contacts. Il y laisse éclater sa haine de la guerre, sur un ton sarcastique, voire morbide. Après la guerre, il écrira même un poème sur l’Armistice intitulé : Le Jour des cadavres. Les deux courts poèmes traduits ci-après illustrent ce regard sans concession sur la guerre, où toute lueur d’espoir a disparu.
Dans les années 20, il rencontre David Horner, qui deviendra son compagnon jusqu’à la fin de sa vie. Son oeuvre littéraire comprend des romans, des nouvelles, de la poésie et des essais. Mais c’est essentiellement son autobiographie, publiée en cinq volumes de 1944 à 1950, qui établira sa renommée littéraire. Proche de la famille royale, Osbert Sitwell a évolué toute sa vie dans les milieux artistiques et aristocratiques. Son œuvre autobiographique constitue à cet égard un précieux document sur ces milieux dans les années 20 et 30.
Dans Comment nous élèverons-nous pour saluer l’aube ?
Sans relâche on les entend piailler,
Ces vénérables oiseaux,
Cela donne : « Ceux qui sont aimés des dieux
Meurent jeunes »
Ou quelque chose comme ça.
Continually they crackle thus,
These venerable birds,
Crying, « Those whom the Gods love
Die Young »
Or something of that sort.
Cette génération
Dans la fièvre et la passion de leur jeunesse, ils avaient hâte
De profiter des derniers plaisirs qu’offrait la coupe de la vie.
Puis il leur a fallu boire la lie : s’engager dans le combat mortel
Qui mettrait fin à leur jeune et vieille vie.
Ils ont payé la dette de plus de cent ans
D’imbécillité et de prospérité.
Ils ont marché vers la mort sans verser une seule larme,
L’amour et la joie ont été sacrifiés.
Leurs larmes étaient déjà sèches dans le ventre de leurs mères
Car ils savaient que leur vie naissante n’était autre que leur tombeau.
This generation
Their youth was fevered – passionate, quick to drain
The last few pleasures from the cup of life
Before they turned to suck the dregs of pain
And end their young-old lives in mortal strife.
They paid the debts of many a hundred year
Of foolishness and riches in alloy.
They went to the death; nor did they shed a tear
For all they sacrificed of love and joy.
Their tears ran dry when they were in the womb,
For, entering life – they found it was their tomb.