
Commotionné par une explosion d’obus dans la Somme, Max Plowman est soigné dans un établissement psychiatrique avant de se déclarer objecteur de conscience et d’être dégradé. De 1919 à son mort, en 1941, il se consacrera à la cause pacifiste. |
Le choix du pacifisme
Après avoir quitté l’école à l’âge de seize ans, Max Plowman travaille une dizaine d’années dans la briqueterie de son père avant de devenir journaliste. En 1914, il épouse Dorothy Lloyd Sulman, avec laquelle il aura un fils.
Dès août 1914, il s’oppose moralement à la guerre mais s’engage malgré tout en décembre dans l’armée territoriale, où il est rattaché à la 4e ambulance de campagne. Par la suite, il devient sous-officier dans un régiment d’infanterie. Près d’Albert, dans la Somme, il est commotionné par une explosion d’obus et doit être soigné dans un établissement spécialisé à Selkirk, en Écosse. Le docteur Rivers, qui a également soigné Siegfried Sassoon et Wilfred Owen, s’occupe de son cas. Pendant sa convalescence, il publie un recueil de poèmes, A Lap Full of Seed, et un pamphlet anonyme, The Right to Live, où il exprime sa colère contre une société qui a rendu la guerre possible. En janvier 1918, il écrit à son officier supérieur pour demander à être relevé de ses fonctions de sous-officier. Il se déclare objecteur de conscience pour motifs religieux. Arrêté puis jugé en cour martiale, Max Plowman est dégradé mais ne purge pas de peine de prison. En juillet, il publie une critique élogieuse des poèmes de Sassoon, qui viennent d’être publiés. Les deux hommes deviennent amis.
En 1928, ses mémoires de guerre, A Subaltern on the Somme, sont publiés sous le pseudonyme de Mark VII. Deux ans plus tard, il rejoint d’équipe de l’Adelphi, une revue littéraire ancrée à gauche, et se lie d’amitié avec George Orwell. Il crée le Centre Adelphi, une communauté pacifiste et socialiste basée à Langham, près de Colchester. Fondée en 1934, cette communauté devient un centre d’accueil pour réfugiés quand la guerre éclate. Les dernières années de sa vie sont consacrées à la cause pacifiste. Devenu secrétaire de la Peace Pledge Union, il collabore brièvement avec Vera Brittain, auteure de Testament of Youth (1933) et militante pacifiste.
Max Plowman fait partie de ces nombreux écrivains-combattants qui ont épousé des vues pacifistes durant les années 20 et 30. Si la plupart d’entre eux se sont contenté d’exprimer leur pacifisme dans leurs écrits, Max Plowman a quant à lui mené une activité militante qui lui a valu une mise à l’index de la part des autorités à la fin des années 30, comme entre autres Norman Cliff et Corder Catchpool. Son épouse éditera ses lettres en 1944.
LES SOLDATS MORTS I Tranchée du Spectre. Automne. Mille neuf cent seize. Le Zénith. (Le Régiment de Frontière se rappellera.) Un peu au nord de Lesboeufs. (Les Australiens l’ont conquis en décembre.) La Faux les a laissés là, immobiles, Gerbes pour la Mort, qui ne seront pas engrangées : Déployés en croissant de lune ils avaient montré la voie Aux premiers chars de la guerre, et étaient morts à la tâche : Des gars des Gardes, semble-t-il, mais comment en être sûr, Derrière la crête, sur la pente qui descend au front, Plus fangeuse que tout l’enfer de Dante, Où les tireurs embusqués ne nous laissaient aucun repos. La nuit, nous trébuchions sur leurs corps en jurant; Chaque jour la pluie les cachait davantage. II Formes fantastiques, aux poses savantes, Entortillées ou prostrées sur le ventre; Ma pensée se dérobe à leurs espoirs individuels, Ils en avaient tous un, bien particulier. Quoi d’autre ? Dieu le sait. Ce n’est pas à moi de dire : « Vos mères ont donné vie à vos corps, Dieu à vos âmes, Et, parce que vous vous êtes battus en braves, La colère de Dieu fera de vos jeunesses tronquées des vies entières. » Non. Dieu a été tué en chacun d’entre vous ; Car tuer des hommes, c’est toujours tuer Dieu, Même si la vie détruite redeviendra la vie Et la douceur émergera à nouveau de l’herbe détrempée. Mais si de la vie nous détruisons le meilleur, Dieu, égaré dans son tourment, ne pourra contenir sa douleur. | THE DEAD SOLDIERS I Spectrum Trench. Autumn. Nineteen-Sixteen. And Zenith. (The Border Regiment will remember.) A little north of where Lesboeufs had been. (The Australians took it over in December.) Just as the scythe had caught them, there they lay, A sheaf for Death, ungarnered and untied : A crescent moon of men who showed the way When first the Tanks crept out, till they too died : Guardsmen, I think, but one could hardly tell, It was a forward slope, beyond the crest, Muddier than any place in Dante’s hell, Where sniping gave us very little rest. At night one stumbled over them and swore ; Each day the rain hid them a little more. 2 Fantastic forms, in posturing attitudes, Twisted and bent, or lying deathly prone ; Their individual hopes my thought eludes, But each man had a hope to call his own. Much else ? – God knows. But not for me the thought, « Your mothers made your bodies : God your souls, And, because you dutifully fought, God will go mad and make of half-lives, wholes. » No. God in everyone of you was slain ; For killing men is always killing God, Though life destroyed shall come to life again And loveliness rise from the sodden sod. But if of life we do destroy the best, God wanders wide, and weeps in his unrest. |