John Lucy (1894-1962)

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Les mémoires de guerre de John Lucy, There’s a devil in the drum, se concentrent sur les premiers mois de la guerre et constituent à ce titre un document précieux.

L’apprentissage de la tranchée

John Lucy publie There’s a Devil in the Drum en 1938. A plusieurs titres, ces mémoires sont d’un grand intérêt documentaire. Les récits des soldats du Corps Expéditionnaire ayant participé à la guerre de mouvement d’août-octobre 1914 sont en effet assez rares. Les mémoires de combattants irlandais sont également peu nombreux. Si on ajoute à cela une réelle qualité d’écriture, tout concourt à faire de cet ouvrage un incontournable de la littérature britannique de la Grande Guerre, injustement méconnu.

John Lucy et son frère Denis, nés à Cork, s’engagent dans un régiment d’Ulster, les Royal Irish Rifles, en 1912. Ayant perdu leur mère, lassés des petits boulots sans lendemain, ils choisissent l’armée pour le King’s shilling et aussi pour s’extraire d’un milieu qui ne leur offre aucune perspective d’avenir. Ils font partie du Corps Expéditionnaire Britannique qui débarque en France à la mi-août 1914 et participent aux premières batailles de la guerre : Mons, Le Cateau, la Marne et l’Aisne. Le chapitre de There’s a Devil in the Drum consacré à la retraite des troupes britanniques est judicieusement intitulé Marcher en dormant. Rares sont les écrits relatant ces marches forcées où les hommes s’effondraient parfois de fatigue sur le bord de la route. Denis est tué au cours de la bataille de l’Aisne. Son corps ne sera jamais retrouvé. Son nom est aujourd’hui inscrit sur le mémorial de La Ferté-sous-Jouarre.

Les batailles de Neuve-Chapelle et d’Ypres, à l’automne 1914, entraînent des pertes énormes au sein du bataillon, qui se voit presque entièrement décimé. Le passage entre la guerre de mouvement et celle les tranchées, avec la nécessaire adaptation à un nouveau mode de combat, donne lieu à une description précise, ayant quasiment valeur de guide pratique de la survie dans les tranchées. Les soldats professionnels du Corps Expéditionnaire sont réduits à une poignée de survivants, que viennent petit à petit épauler les engagés volontaires de la Nouvelle Armée. La guerre est devenue statique, sous-terraine, une machine implacable qui réclame chaque jour son lot de victimes. John Lucy s’y adapte tant bien que mal, regrettant, comme Frank Richards, l’état d’esprit qui régnait au sein du Corps Expéditionnaire pendant les premières semaines de la guerre. Promu sergent à  la fin de l’année 1915, il est évacué en Irlande pour « neurasthénie ». J’avais perdu le sommeil. Les voix et les bruits de la guerre m’assaillaient. Ma famille trouvait mon comportement très étrange. Un jour, on m’a surpris debout sur mon lit, prêt à repousser une attaque imaginaire. Pendant sa convalescence, il suit la formation des sous-officiers et repart au front avec le grade de sous-lieutenant en juillet 1917. Après avoir participé à la bataille de Passchendaele, il est sévèrement blessé par une grenade au cours d’une contre-attaque allemande à Cambrai et évacué dans un hôpital à Exeter jusqu’à la fin de la guerre.

Après l’Armistice, John Lucy rejoint les Kings African Rifles et y reste jusqu’en 1932. Il se marie à Bombay et devient journaliste, puis travaille à la radio irlandaise. En 1936, il entame la rédaction de ses mémoires de guerre, qui sont publiés en 1938. La critique salue cette chronique qui décrit le début de la guerre du point de vue d’un soldat de métier. Les premiers chapitres, consacrés à la vie de caserne en Irlande et en Angleterre à la veille de la Grande Guerre, sont également d’un intérêt historique évident.

L’extrait qui suit est un véritable vade-mecum de l’art de la survie en tranchée. La transition, à la fin de l’année 1914, entre la guerre traditionnelle de mouvement et la guerre des tranchées a obligé les soldats à s’adapter à une forme toute particulière de combat, pour laquelle ils n’avaient pas nécessairement été correctement formés.

TOMMIES 14-18

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