Index géographique

Ce répertoire de citations extraites d’écrits de combattants couvre principalement les communes des Hauts-de-France. Une partie a été publiée dans un article que j’ai écrit pour le hors-série Grande Guerre n° 8 de la Voix du Nord en 2018. Ces extraits tentent de montrer la diversité des commentaires, qu’ils concernent les liens avec les Français ou les lieux.

Trouver son chemin à Bailleul

Abbeville / Agnez-lès-Duisans / Ailly-sur-Somme / Aire-sur-la Lys / Allery / Amiens / Armentières / Arnèke / Arras / Auchel / Audruicq / Bac-Saint-Maur / Bailleul / Barlin / Bavay / Beaurevoir / Bécourt / Béhagnies / Belloy-sur-Somme / Bergues / Béthune / Boeschèpe / Bohain / Bois-Grenier / Boulogne / Burbure / Caestre / Calais / Cambrai / Cassel / Caudry / Choques / Cocquerel / Dunkerque / Ecourt-Saint-Quentin / Englos /Erin / Erquinghem / Estaires / Etaples / Feuchy / Fouquières / Ghyvelde / Givenchy / Gravelines / Hazebrouck / Hesdin / Hinges / Houdain / Houplines / Isbergues / Kemmel / La Bassée / La Boiselle / La Gorgue / La Motte-au-bois / Labeuvrière / Laires / Laventie / Le Doulieu / Le Quesnoy / Le Quesnoy (Parvillers-Le-Quesnoy) / Le Touquet / Les Attaques / Lignereuil / Lille / Lillers / Longavesnes / Magnicourt-sur-Canche / Maisnil-les-Saint-Pol / Marest / Mazingarbe / Mazinghem / Merville / Montigny-en-Cambrésis / Montreuil / Morbecque / Neufchâtel-Hardelot / Neuve-Chapelle / Noeux-les-Auxi / Noeux-les-mines / Outtersteene / Pérenchies / Picquigny / Pommier / Pont-sur-Sambre / Poperinge / Radinghem / Rexpoëde / Richebourg, etc

Wilfrid Ewart (1892-1922) Ce capitaine du régiment des Scots Guards entame après guerre une carrière de journaliste avant de mourir à Mexico, atteint par une balle perdue.

Le camp d’Agnez-lès-Duisans se singularisait par sa propreté et un magnifique étang où nous pouvions nous baigner. L’eau était claire, fraîche et profonde, entouré d’arbres et de prés, ce qui offrait un contraste saisissant avec la route poussiéreuse.

F.L. Morrison, The Fifth Battalion Highland Light Infantry in the War 1914

Lors de nos marches, nous avons régulièrement traversé la rivière à Ailly-sur-Somme. C’est un beau pays, où nous nous sentons en paix avec le monde. Notre envie de chanter est revenue maintenant que la fatigue est dissipée et nous entonnons les refrains le cœur léger. Nous avons même droit à une perme dans cette Mecque de tous nos espoirs : Amiens.

Benjamin Champion (1897-1978)  Après s’être battu en Picardie et en Flandre, il est amputé suite à une blessure à Pradelles et rapatrié en Australie en juin 1918. Son journal de guerre n’a jamais été publié.

Troupes marocaines à Aire-sur-là-Lys

James Beatson Combattant écossais dont le témoignage n’a été publié qu’en 2009 sous le titre Private Beatson’s War: Life, Death and Hope on the Western Front. Tué au cours de la bataille de la Somme en 1916, James Beatson révèle dans ce texte resté plus de 90 ans inédit un indéniable talent pour l’écriture.

Ernest McKinlay (1888-1945) Arrivée en France en 1916, la troupe néo-zélandaise « Les Kiwis » a pour mission de distraire les combattants néo-zélandais pendant leur période de repos. Le ténor Ernest McKinlay, qui chante au sein de la troupe, en rédigera l’histoire sous le titre Ways and By-Ways of a Singing Kiwi en 1938.

Cameron Wilson (1888-1918). Arrivé en France en février 1916, Cameron Wilson fait partie de ces nombreux combattants qui condamnent le principe de la guerre tout en étant convaincus qu’il est de leur devoir de se battre. Son poème Des pies en Picardie, publié dans la Westminster Gazette en août 1916, devient vite un des préférés de l’arrière. Son nom est gravé sur le mémorial d’Arras à côté de 35 000 autres soldats portés disparus dans le secteur.

Bataille d’Amiens

Charles Cruttwell (1887-1941) Bien que professeur à Oxford, Cruttwell s’engage dans le régiment des Royal Berkshire. Il se bat en France et en Belgique jusqu’à ce qu’il soit blessé à la jambe en 1916. La guerre l’a fortement marqué et lui a laissé de profondes séquelles psychologiques.

Arthur Heath (1887-1915) Jeune professeur d’université, Arthur Heath s’engage dès août 1914. Il est tué au combat en octobre 1915. Ses lettres ont été éditées en 1917.

Artillerie anti-aérienne britannique, près d’Armentières, mars 1916

Ralph Hamilton (1883-1918) Officier d’artillerie ayant combattu sur le front occidental de septembre 1915 jusqu’à sa mort en mars 1918. Il est enterré au cimetière communal de Rouvrel (80), qui a la particularité de n’accueillir qu’une seule tombe britannique.

Geoffrey Rose (1889-1959) Le major Geoffrey Rose a été présent trois ans sur le front occidental au sein du régiment d’artillerie légère Oxford et Buckinghamshire. En 1920, on lui demande d’écrire l’histoire officielle de son régiment. Les nombreux dessins qu’il a réalisés en France entre 1915 et 1918 sont conservés à l’Imperial War Museum.

Arras – 11 avril 1917

William Weetman. Né en 1885, le capitaine William Weetman a écrit l’histoire du régiment des Sherwood Foresters en 1920.

Audruicq – explosion du dépôt de munitions

Alfred Boxall (1886-1917) Refusé dans l’armée en 1914, Alfred Boxall est finalement accepté en 1917 et devient sous-lieutenant dans le Génie Royal, 262e compagnie de chemin de fer. La contribution des unités du génie à la machine de guerre reste peu connue. Le travail accompli, notamment en matière d’installations ferroviaires, est cependant considérable.

Alfred Afford  Le caporal Alfred Afford, du régiment des Sherwood Foresters, a été tué le 14 octobre 1915 au cours de l’attaque de la Redoute  Hohenzollern.

Malgré sa pittoresque église de briques du XIVe siècle et son porche « à la Louis XV », Bailleul était une ville tolérable sans pour autant être admirable. Rien qu’on ne puisse y trouver d’un intérêt particulier si ce n’est les superbes grappes de raisin des « Grapperies », et ce même en novembre. Nous avons logé tout un bataillon dans les immenses serres de cet établissement. Après que plusieurs autres bataillons y furent cantonnés, le propriétaire nous réclama la somme de 2 000 000 de francs. Il fut incapable de prouver que des panneaux de verre avaient été brisés ou qu’un seul de ses ceps avait été abimé ou encore que du raisin avait été volé, car aucune de ces choses n’avait eu lieu. Aussi basa-t-il sa plainte sur le fait que les dégâts avaient été causés par la fumée des cigarettes (que j’avais toujours crue profitable au raisin) et aux vibrations des gros canons, qui détruisaient de l’intérieur le bois de la vigne et l’empêchaient de produire (autre mensonge, car un an plus tard, en septembre 15, j’ai pu manger d’excellents raisins de sa vigne). Je ne sais pas quelle compensation il a obtenue mais je suis sûr qu’il a dû s’estimer heureux avec 20 francs.

Edward Gleichen (1863-1937) Commandant de la 15e brigade de 1911 à 1915 et de la 37e division de 1915 à 1916. Directeur du Bureau des Renseignements au Département de l’Information de 1917 à 1918.

Parfois, nous nous baladions dans la campagne et allions jusqu’à Bailleul, située à huit kilomètres. Bailleul exerçait sur nous une attraction particulière. La ville proposait d’excellents bains. Le fait qu’ils fussent situés dans un asile psychiatrique ajoutait à notre intérêt.

Bruce Bairnsfather (1887-1959) Ce célèbre caricaturiste britannique a créé le personnage d’Old Bill, un tommy grincheux avec moustache à la gauloise qui connaîtra un immense succès pendant la guerre et deviendra par la suite une figure emblématique du combattant des tranchées. Le récit de son expérience combattante, publié en 1916 sous le titre de Bullets & Billets, propose de très intéressantes descriptions de la mission d’un officier en 1914 et 1915.

Le 6 septembre, nous avons atteint Barlin, où on m’a donné un cantonnement à l’étage d’un estaminet. Le fait de loger un aumônier dans un tel endroit peut être sujet à caution, mais cet estaminet avait pour nom Saint-Joseph. Sous un tel patronage, je ne pouvais que me sentir chez moi. Sur la porte avait été accrochée une notice indiquant « Révérend Scott, Aumônier Doyen », qui suscita de nombreux sourires et commentaires de la part des hommes du bataillon. Un jour, regardant par la fenêtre je vis le 2e bataillon passer dans la rue et dérogeai au protocole en demandant aux soldats s’ils n’enviaient pas ma chambre. Tout en riant, ils me demandèrent comment je l’avais obtenue et s’ils pouvaient eux aussi profiter d’un tel emplacement. Je leur répondis que c’était la récompense de la vertu : seuls les élus pouvaient être logés dans un estaminet.

Frederick Scott (1861-1944)Bien qu’il ait 54 ans en 1914, le révérend Scott se porte volontaire pour partir en France. Premier aumônier de la 1ère division canadienne, il a le grade de major. Il devient le confident spirituel de nombreux officiers d’état-major mais sait également être proche des simples soldats. The Great War as I saw it est publié en 1922. Ces mémoires couvrent la quasi totalité de la guerre.

Le 14 décembre 1918, j’arrivai à Bavay, où j’eus la charge d’un cantonnement pendant trois jours. Le temps était exécrable et les soldats d’humeur séditieuse. Pour ne rien arranger, notre nourriture laissait à désirer.  Personne ne comprenait pourquoi les soldats ne pouvaient pas rentrer au pays.  L’officier de transport avait une tâche particulièrement ingrate. Comme des émeutes voyaient le jour çà et là, il demanda aux sous-officiers de l’aider. Mais cela ne servit à rien. La pluie qui n’arrêtait pas et l’absence d’activités de loisir empêchaient les hommes de pouvoir exprimer physiquement leurs griefs au grand air.

Guy Buckeridge Le témoignage du sergent Buckeridge fait partie de l’ouvrage intitulé The Road Home. Son auteur, l’historien Max Arthur, spécialisé dans le témoignage oral, a puisé dans les archives sonores de l’Imperial War  Museum et d’autres institutions pour rassembler tous les témoignages évoquant les conséquences de la guerre. La trop longue démobilisation de l’automne 1918 au printemps 1919 y est largement évoquée.

Beaurevoir, bâtie sur une colline, n’était pas encore débarrassée de ses morts. Les chaumières en ruines avaient été évacuées en toute hâte mais dans chacune d’entre elles le métier à tisser avait été détruit et les obus n’y étaient pour rien. La statue de Jeanne d’Arc avait été ôtée de son socle et était introuvable. La seule présence civile était une vache, qui fournit en lait le peloton de Thomas jusqu’à ce que les Chinois viennent nettoyer le champ de bataille.

William Watson (1891-1932) William Watson s’engage dès le début du conflit et devient estafette. Il sillonne la région à moto pour acheminer des messages d’un secteur à l’autre. Adventures of a Despatch Rider, publié en 1915, relate cette expérience. Par la suite, il commandera une unité de chars et participera notamment à la bataille de Cambrai.

Nous arrivâmes à Bécourt, où nous nous étions entraînés quelque temps auparavant. Les villageois se rendirent vite compte qu’une partie seulement du bataillon était revenue. En général, les paysans français ne sont pas démonstratifs. Bien que courtois, ils se montrent distants avec les soldats et je peux comprendre leur lassitude face aux troupes qui traversent leur village ou y séjournent. Mais ce soir-là, à Bécourt, nous fûmes reçus comme des enfants du village. Les maisons nous étaient grandes ouvertes, des repas furent préparés et des bouteilles de vins débouchées. Tout cela était spontané et surprenant. L’auteur de ces lignes était assis près d’un poêle pendant que la maîtresse de maison remplissait régulièrement sa tasse de café et de cognac. « Madame” et « papa » et les deux enfants s’assirent autour de lui pour le regarder en silence puis « Madame » posa l’inévitable question : « Où sont les autres ?  » Ils apprirent alors ce qu’ils étaient devenus et des larmes coulèrent sur les joues de Madame. Papa pleura aussi, et Georgette et Marcelle, et probablement l’auteur de ces lignes eut-il la gorgé nouée.

F.C. Green, Journal du 40e bataillon australien

   En s’approchant de Béhagnies, on ne voyait plus les fusées mais le bruit des canons persistait. Sur la voie ferrée qui traversait la route à l’entrée du village, un stupide petit train vous dépassait sur la gauche en sifflant bruyamment comme s’il demandait à être bombardé. Mais je n’ai jamais vu un seul obus l’atteindre. Peut-être savait-il que les artilleurs allemands étaient incapables de calculer sa vitesse.

  Nous passions ensuite devant les tombes de deux-trois soldats allemands tués en 1914, signalées par des croix de bois blanches où étaient inscrits leurs noms, puis devant un cimetière français dont le centre était occupé par une grande croix blanche ornée d’une couronne et d’un badge tricolore où étaient inscrits les noms des soldats enterrés, tous des cavaliers. Puis, il y avait des arbres. C’était toujours un émerveillement, que ce soit le soir quand ils n’étaient plus que des masses sombres, ou le jour quand leurs feuilles nous permettaient de savoir si l’automne était arrivé.

(….) Juste après le club des officiers, nous arrivions à la grande salle où convergeaient les officiers comme les troufions, tous venus de loin pour voir l’homme célèbre. La salle ne contenait pas moins de cinq cents sièges disposés devant une scène tendue d’étoffes rouges, blanches et bleues, une disposition tout en simplicité qui prouvait que celui qui l’avait conçue connaissait son affaire. C’est sur l’écran fixé au fond de la scène que par ces soirées d’hiver déambulaient les pieds plats de celui que le monde entier connaissait et chérissait : Charlie Chaplin.

Lord Dunsany (1878-1957) Auteur d’un classique de la fantasy, La Fille du roi des elfes, le baron de Dunsany est une personnalité éclectique aux multiples activités. Il est présent sur le front occidental pendant toute l’année 1917. De son expérience combattante, il tire une série de textes courts qui tiennent parfois du conte. Vue sous cet angle, la guerre prend une dimension inédite.

Charlot soldat

Le paysage alentour était de toute beauté et le spectacle des coquelicots et des bleuets disséminés dans les plaines de blés dorés magnifique. C’était une joie d’être sur une colline et de regarder l’étendue ondulante de petits carrés verts, bruns ou dorés, ponctués çà et là d’un petit bois pittoresque, duquel émergait souvent un vieux château ou la silhouette lointaine d’un village. En parcourant ces petites routes sinueuses par une belle matinée de printemps, on ne pouvait s’imaginer qu’une guerre était en cours.

Roy Pinto Bell (1894-1916) Artilleur australien, tué à Flers, dans la Somme, le 9 décembre 1916.

Ma tente est plantée dans un pré où se côtoient des chevaux, des vaches et trois-quatre grosses truies. Ses dernières sont très fouineuses et nous rendent régulièrement visite, mais une chaussure militaire bien placée dans leurs côtes suffit à les faire rebrousser chemin en grognant. Un jour, nous les avons toutes trouvées endormies dans la tente. Une d’entre elles avait fourré sa tête dans la valise où je range mon linge propre. Elle avait réussi à l’ouvrir et avait mangé toute ma réserve de chocolat.

Charles Biddle (1890-1972) Aviateur américain appartenant à la célèbre Escadrille Lafayette. Décoré de la Légion d’Honneur et de la Croix De Guerre, Charles Biddle a remporté de nombreux combats aériens. Il publie ses mémoires de guerre, The Way of the Eagle, en 1919.

Je n’avais jamais entendu parler de Béthune auparavant. A vol d’oiseau, la ville est à moins de dix kilomètres des tranchées. Les magasins font des affaires en or et j’ai été très étonné de voir dans les vitrines des rasoirs de sûreté, du papier à lettres « spécial tommy » et des uniformes d’officier anglais, sans compter toutes les marchandises nécessaires pour satisfaire la population d’une grande ville.  Nous étions fatigués et avions faim mais le hasard nous dirigea vers un célèbre salon de thé, où nous avons bu du thé anglais sur de belles tables parmi toute une assemblée d’officiers. J’étais ébahi. Nous l’étions tous. Dire que j’avais emporté une brosse à dents en me disant que je ne pourrais pas remplacer ce genre d’objet avant des mois ! Ici, rien ne manquait. Étions-nous vraiment à dix kilomètres des Allemands ?

Bernard Adams (1890-1917)  En novembre 1914, Bernard Adams part au front en octobre 1915. Après avoir occupé le secteur de Cuinchy et de Givenchy, son bataillon est transféré dans la Somme. Blessé en juin, il repart en Angleterre et ne revient en France qu’en janvier 1917. C’est pendant cette période de convalescence qu’il rédige Nothing of Importance. Il est enterré au cimetière de Couin (62).

Je connais bien Boeschèpe car nos lignes de transport s’étaient établies ici en octobre et novembre 1915. C’est un joli petit endroit sur les pentes du Mont-des-Cats, avec plein d’arbres et des champs verdoyants. Après notre longue période dans les tranchées de l’horrible Vallée de la Mort, le changement est radical, et pour tout dire à peine croyable.

Ralph Hamilton (1883-1918) (Déjà cité)

Le pays a bien changé depuis que nous l’avons traversé en 1914. Il n’y a pas eu de combats ici et les maisons sont intactes. Affamés et le visage abattu, les habitants sont heureux de voir des troupes britanniques. Pour stopper notre avance, l’ennemi a bombardé les routes et bloqué toutes les issues du village. Les mines à retardement installées sur la voie ferrée explosent régulièrement. Le Q.G. de la division, situé à la ferme Brancucourt, est quant à lui cerné de trous d’obus. En face, le pont de chemin de fer a sauté.

Thomas Marden (1866-1951) Général britannique qui a participé aux batailles d’Ypres, au cours de laquelle il a été blessé, de la  Somme, de Passchendaele et de Cambrai. Après l’Armistice, il commande une des brigades d’occupation présentes sur le sol allemand.

Trois maisons seulement étaient occupées dans le village. Les anciens habitants pouvaient revenir à leur risque et péril pour récupérer leurs meubles mais ils devaient pour cela avoir un laissez-passer signé de l’assistant du prévôt. Bois-Grenier consistait en une rue principale et une rue latérale, avec des fermes aux alentours. Quand ils quittaient les tranchées la nuit, nos gars prenaient dans les maisons ce dont ils pouvaient avoir besoin.

Frank Richards (1883-1961) Réserviste de l’armée coloniale, Franck Richards a combattu sur le front occidental pendant toute la durée de la guerre. Il a connu de très nombreux secteurs. Ses mémoires (Old Soldiers never die, 1933) forment un récit alerte et très riche en informations, notamment pour ce qui est des rapports entre Français et Britanniques. On y trouve également beaucoup de colère contre les planqués.

Après l’effervescence de la foule devant l’austère cathédrale, je profite de la douce brise d’automne qui rafraîchit les quais. Même dans les bains bien ventilés persiste l’odeur âcre d’un trop-plein d’humanité. Quel étrange endroit est devenu Boulogne aujourd’hui, une ville d’hôpitaux, chaque hôtel est un hôpital, chaque rue regorge de soldats et d’infirmières !

Kate Finzi  En août 1914, Kate Finzi se porte volontaire pour servir dans la Croix-Rouge. Elle part à Ostende pour venir en aide aux réfugiés belges puis intègre la Y.M.C.A. de Boulogne au mois d’octobre.  Son témoignage paraît dès 1916. Eighteen Months in the War Zone : est un document essentiel sur les débuts chaotiques des services hospitaliers à l’automne 1914.

De fait, Boulogne avait cessé d’être une ville française. Le port ressemblait à un bout d’Angleterre qu’on aurait remorqué à travers la Manche pour le déposer avec succès sur la côte française.

Harry Lauder (1878-1950) Artiste de music-hall né en Ecosse, Harry Lauder a connu un immense succès au début du siècle. Se produisant sur scène en kilt, il a promu le folklore écossais dans le monde entier et amassé une véritable fortune. Après la mort de son fils, tué au combat le 28 décembre 1916 à Pozières, il entreprend une tournée de chants auprès des troupes basées en France.

Les bassins du port de Boulogne sont encombrés d’une masse hétéroclite d’embarcations : bâtiments de guerre, sous-marins, torpilleurs, navires-hôpitaux de la Croix-Rouge, et vaisseaux en tous genres qui restent à quai en raison de la guerre. A côté des parcs d’ambulances et de véhicules de guerre se dressent de très hautes piles de marchandises diverses. Les ambulances font la navette pour transporter les blessés dans les cinq-six navires de la Croix-Rouge, blancs avec une immense croix rouge peinte de chaque côté.

Eric Fisher Wood (1889–1962) Attaché d’ambassade au début de la guerre, Eric Wood rejoint ensuite l’Ambulance Américaine. En 1915, il publie le récit de cette expérience : The Note-book of an Attaché: Seven Months in the War Zone. En 1917, il devient major au sein de l’armée britannique, puis dans l’armée américaine une fois les États-Unis entrés en guerre.

Après notre long séjour à Burbure, nous avons pris congé avec regret de notre charmante hôtesse, dont le petit garçon, Emile, était devenu la coqueluche du mess. Ce fut pendant notre repos à Burbure qu’est né le fils de Rennison. Singer nous avait fait bien rire en suggérant que l’enfant fût baptisé « Joffre Burbure ». Je dois ajouter que les soldats indiens s’entendent particulièrement bien avec les enfants français. Il n’est pas rare d’en trouver cinq-six, assis en cercle, discutant ou jouant avec les petits villageois.

Herbert Alexander Né en 1881, Herbert Alexander commandait le 9e corps de mules de l’armée indienne, qui ravitaillait les soldats du front. Ses mémoires de guerre, On two fronts : being the adventures of an Indian mule corps in France and Gallipoli, sont un précieux document sur les troupes indiennes dans notre région.

Le Q.G. de la division fut installé dans la Maison de l’Espion, dont le propriétaire avait eu les faveurs des Allemands quand ceux-ci avaient séjourné dans le village un mois auparavant. Sur sa porte, ils avaient inscrit HIER SIND GÜTIGE LEUTE. Quand les Allemands étaient partis, la maison avait été fouillée par les habitants indignés et des journaux allemands avaient été découverts dans la chambre.

Les Allemands ont pour habitude d’épargner certaines maisons et d’inscrire sur la porte des commentaires élogieux à la craie. Nous autres estafettes avons une théorie selon laquelle les habitants de ces maisons n’étaient pas des espions mais au contraire des personnes contre lesquelles les Allemands avaient des griefs.

William Watson (déjà cité)

Le samedi, la Place d’Armes se couvrait d’étals. C’était le marché, un événement dans la vie locale ! Nous y achetions des fleurs pour égayer les pavillons de notre hôpital.(…)

Un soir, je flânais sur la Place d’Armes quand mon oeil fut attiré par des violons dans la vitrine d’un magasin. J’entrai et devins par la suite proche de la famille Tétar, composée d’un vieux père et de ses deux filles. Tous étaient très gentils avec moi et me laissaient jouer sur leurs violons.

Pat Beauchamp (1892-1972) Ambulancière à Calais et dans le secteur de l’Yser au sein des FANY (corps auxiliaire féminin), Pat Beauchamp entre en collision avec un train en mai 1917 et doit être amputée de la jambe gauche. Ses mémoires, Fany goes to war, sont publiés en1919.

A certains endroits, Cambrai avait subi de sévères bombardements mais les destructions avaient encore davantage touché l’intérieur des maisons, où de magnifiques meubles, au bois finement sculpté, avaient été mutilés au-delà de toute mesure. De nombreux pianos de grande valeur avaient été détruits. Quant à ceux qui avaient été laissés intacts, des grenades ou autres type types d’explosifs avaient été fixés au clavier pour que toute personne assez stupide pour appuyer sur les touches se retrouve à l’instant défigurée ou estropiée.

Walter Brindle Ce soldat du génie canadien faisait partie du « Canadian Overseas Railway Construction Corps ». Dans la guerre des tranchées, le rôle de ces « techniciens » appelés sapeurs s’est avéré très utile, notamment pour la construction de galeries de mines. Les mémoires de Walter Brindle, intitulés France and Flanders – Four years experience told in poem and story, sont parus en 1919.

William Orpen

Sur le mont Cassel, l’air est doux et frais. Sur les pentes, on entend la douce berceuse de la pluie et la musique du vent dans les boulots et les peupliers. Une atmosphère de paix règne ici. Les camions évitent les pentes de Cassel et les cavaliers contournent la colline. Quelque vingt moulins sont perchés sur les hauteurs, leurs voilures tendues vers le bleu du ciel. Un jour, j’irai trouver un notaire pour qu’il m’octroie l’usage d’une de ces bâtisses. J’en ai toujours rêvé depuis que j’ai lu avec enchantement Les Lettres de mon moulin.

John Morgan (1876-1955) A écrit plusieurs ouvrages sur son expérience de guerre puis sur le rôle qu’il a joué pendant la Conférence de la Paix à Versailles.

Caudry est une grande ville industrielle qui était occupée par les Allemands depuis la retraite de Mons. Elle n’a été endommagée que récemment. Des groupes de soldats allemands ont méthodiquement brisé les machines des usines. J’ai pu voir le résultat de leur oeuvre. Il suffisait de cinq-six hommes pour détruire toutes les machines d’une grande usine en quelques heures. Dans les maisons, les meubles, les horloges et les fenêtres avaient reçu les mêmes attentions. Entre 2000  et 3000 habitants et réfugiés, femmes, enfants et vieillards, étaient toujours dans la ville. Les Allemands avaient séjourné ici si longtemps que la plupart de ces malheureux avaient dû apprendre leur langue.

William Austin (1871-1961) Officier néo-zélandais, blessé à quatre reprises. A écrit en 1924 l’histoire officielle de la Brigade des fusiliers néo-zélandais.

Nous nous arrêtâmes pour la nuit à Chocques, à cinq kilomètres à l’ouest de Béthune, et occupâmes, avec la permission du maire, un beau château près du chemin de fer. Les occupants étaient partis mais le gardien fit tout ce qu’il put pour rendre notre halte confortable. Un feu flambait dans le salon, où il y avait un piano, à la grande joie du capitaine Bell. La musique et la chaleur nous mîmes du baume au coeur, tout comme la perspective de dormir sur d’épais tapis au lieu des habituelles planches et dalles.

Douglas Winnifrith. Né en 1878, le pasteur Winnifrith accompagne les troupes britanniques pendant les premiers mois de la guerre.

Je suis à Cocquerel et le changement est extraordinaire. Je vais essayer de te donner une idée. Nous sommes dans un charmant petit village très loin du front. L’endroit est paisible et reposant, même si un aéro boche a eu le culot de survoler l’église juste avant notre arrivée. Le plus cocasse c’est que je t’écris dans un lit (j’ai un petit air de grippe), un vrai lit tout en vagues moelleuses. Dans la vie ordinaire, on appellerait ça un lit « à plumes » avec un peu de dédain, mais vues les circonstances c’est un lit de prince. Et la chambre ! Un vieux papier peint démodé, le tic-tac d’une vieille horloge, une vieille armoire luisante avec un dessus de marbre et des vêtements pendus sur des cintres !

Keith Henderson (1883-1982) Peintre de formation, il combat en France, où il peint quelques scènes de guerre pendant ses périodes de repos. Son journal de guerre, intitulé Letters to Helen : impression of an artist on the western front, est publié dès 1916.

Quand nous revînmes à la place Jean Bart après le bombardement, nous pûmes constater que la vie y avait repris tous ses droits. L’esprit humain résiste à tout, comme le prouvaient ces enfants qui jouaient au fond d’un trou d’obus. Ils ramassaient des « morceaux choisis » de verre et de brique. Autour du cratère, les camelots du marché installaient tranquillement leurs étals. En quelques minutes, les dégâts causés par les Allemands seraient cachés derrière des piles de vaisselle et d’ustensiles de cuisine.

Edith Wharton (1862-1937) Installée à Paris depuis plusieurs années quand éclate la guerre, la célèbre romancière américaine crée des foyers pour accueillir des réfugiés, des maisons de convalescence et d’autres structures d’aide aux victimes de guerre. Autorisée à se rendre dans la zone du front, elle écrit des articles sur la France en guerre, lesquels seront par la suite réunis en un seul volume.

Ecourt-Saint-Quentin restera à jamais le premier village où les troupes canadiennes ont libéré la malheureuse population française. « Vive les Canadiens ! Vive les braves Canadiens ! » Ce cri du coeur allait devenir familier à nos oreilles mais dans ce village nous l’avons entendu pour la première fois. Quarante-six personnes, tenues en esclavage pendant quatre ans, s’étaient réfugiées pendant plusieurs jours dans une petite cave au moment de l’évacuation. Affamés et émaciés, ils n’en étaient pas moins très heureux de nous voir.

John Livesay (1875-1944), auteur de Canada’s Hundred Days, 1919

[Octobre 1918] Nous arrivâmes au Vert Ballot, près du village d’Englos. Notre nouveau Q.G. était installé dans une maison spacieuse et presque intacte, dont une partie avait été convertie en blockhaus. Notre seule crainte était celle des mines cachées et autres pièges. Tandis que nous quittions notre ancien Q.G. au lieu-dit Fin de la guerre, quelques tunneliers, dont la tâche ingrate consistait à découvrir et détruire ces pièges, visitèrent une maison et jugèrent qu’elle n’était pas sûre. Nous étions à peine arrivés au Vert Ballot qu’à quelques centaines de mètres une énorme explosion nous signifia que ce type de danger était partout et pouvait prendre toute sorte de forme. Les deux hommes qui avaient examiné le mécanisme furent tués sur le coup, éparpillés en mille morceaux. Il va sans dire qu’avec l’aide d’un caporal sapeur nous fouillâmes méticuleusement la maison où nous devions nous installer.

Dominic Devas (1888-1982) Frère franciscain dont les mémoires de guerre, From Cloister to Camp: being reminiscences of a priest in France, 1915 to 1918, regorgent d’informations précises sur les localités où a séjourné la troupe, comme c’est souvent le cas dans les récits d’aumôniers.

Erin était la capitale des “ateliers”. On y trouvait de vastes hangars, des voies ferrées légères, une multitude de chars, anciens ou nouveaux, et des milliers de Chinois au sourire figé. Il y avait l’école de conduite avec ses huttes pour les conférences, remplies de moteurs posés sur des tables. Il y avait aussi les ateliers expérimentaux, d’où, plus tard, s’élanceraient des chars dotés de mystérieux moteurs, qui fonceraient à une folle vitesse jusqu’à ce qu’ils se brisent. Dans un coin tranquille du village s’étalaient les coquettes huttes du camp de repos, où les hommes, fatigués du combat, s’asseyaient au soleil ou plantaient des choux. Ajoutez à cela le cinéma, le Supper Club, des huttes abritant un bataillon, un beau château et un camp de renfort.

William Weetman (déjà cité)

Erquinghem-sur-la-Lys possédait une belle église de XIIe siècle. Je l’ai souvent visitée en me rendant à mon cantonnement au Fort Rompu. Les vieilles fermes qui ponctuaient le paysage étaient très pittoresques. Elles portaient des noms très suggestifs : Froid Nid, Fleur d’Ecosse, Fin-de-la-guerre (mais quelle paix commémorait-elle ?), La Rolanderie… Il y avait aussi les auberges : Au rendez-vous des pêcheurs (notre aumônier suggérait que l’orthographe « pécheurs » aurait été plus appropriée), Au Point du Jour, Au Gazon Vert, etc…

Patrick Butler. Né en 1880, officier de cavalerie (Royal Irish). Son livre A Galloper at Ypres (1920) évoque la première année de guerre.

Des espions étaient occasionnellement arrêtés et amenés à Estaires. Après avoir été interrogés par le capitaine Dyce, ils disparaissaient mystérieusement. Selon la rumeur, nos voisins de l’armée française se chargeaient des exécutions.

Herbert Alexander [déjà cité]

Estaires

Jouxtant Canada Park s’étalait le cimetière avec ses interminables rangées de petites croix brunes. On y enterrait au rythme de quarante corps par jour. Ce jour-là, pendant que les Australiens et Néo-Zélandais célébraient leur fête nationale (Anzac day), la sonnerie aux morts retentit à trois reprises. Je n’oublierai jamais le spectacle de tous ces soldats qui s’arrêtaient tout à coup de faire la fête et se levaient en silence pendant que retentissait le clairon. L’instant d’après, ils s’asseyaient à nouveau et reprenaient bruyamment leurs agapes.

Betty Stevenson (1896-1917) Âgée de 19 ans, Betty Stevenson suit en France une de ses tantes venue diriger une cantine de la Y.M.C.A. américaine à Paris. Un an plus tard, elle rejoint la Y.M.C.A. d’Etaples. Elle est tuée en 1918 dans un bombardement alors qu’elle venait en aide à des réfugiés. Elle est enterrée au cimetière militaire d’Etaples. Sur sa tombe, on peut lire en guise d’épitaphe : « A Happy Warrior ».

En me rendant à Feuchy ce soir, j’entendis le coucou et le rossignol. Cette portion de la route reliant Arras à Douai, entre la voie ferrée et le bois marécageux de la Scarpe, se situe à huit cents mètres du front mais elle est restée presque intacte et a conservé toute sa beauté… La vie est faite de ces étranges contrastes.

Arnold Monk Jones (1899-1964)

Fouquières était un village toujours aussi plaisant. Le château, son court de tennis et ses jardins offraient un cadre agréable au Q.G. du bataillon, tandis que les hommes de troupe profitaient de logements confortables au village. Nous avons beaucoup joué au foot et nous étions à proximité de Béthune, une ville très en vue à cette époque.

John David Hills (1895-1975) Arrivé en France en février 1915, au sein du régiment du Leicestershire, John Hills combat sur le front occidental jusqu’à la fin de la guerre. En 1919, il publie l’histoire de son bataillon : le 5e Leicestershire.

Pour nous rendre à Ghyvelde, nous avons traversé des terres sableuses et très fertiles où poussent du blé et des pommes de terre. Il est merveilleux pour moi d’annoncer qu’ici IL N’Y A PAS DE BOUE. Le Seigneur en soit remercié ! L’endroit est vraiment agréable.

John Adlard (1888-1980) John Adlard avait légué son journal de guerre à l’Australian War Memorial. Son fils l’a ensuite publié sur un site internet pour le rendre accessible au plus grand nombre. Comme la plupart des Australiens, John Adlard a commencé par se battre sur le front oriental (Les Dardanelles) avant de rejoindre le front occidental (France et Belgique). Gravement blessé à Ypres en octobre 1917, il est rapatrié en Australie.

Nous n’attendions pas de Givenchy une quelconque satisfaction. Le canal aux berges herbacées, que recouvrait une brume d’été, molle et jaune, nous proposait ses spécialités : ici, un plongeur en combinaison explorant une péniche immergée, là une solide position de batterie, plus loin quelques larges bassins avec carcasses de chalands et juste la « ligne » qui traversait le village. Notre première tâche fut de trouver des abris. Au vieux pont décrépit, d’où par la suite nous prendrions la route de Cuinchy, vers le sud, nous nous engageâmes dans la rue du nord, qui n’était pas dénuée de charme.  Ses maisons de briques rouges, effondrées à l’intérieur, avaient conservé des façades présentables ; de plus elles étaient vraisemblablement protégées par la petite crête située à l’est, laquelle les masquait des postes d’observation ennemis. Cette hauteur était agrémentée d’une chapelle, à partir de laquelle une mitrailleuse Lewis apprenait l’obéissance à l’ennemi sitôt la nuit tombée.

Edmund Blunden, (1896-1974) – La Grande Guerre en demi-teintes, éditions Nadeau, 2018. Paru en 1928, Undertones of war fait partie des classiques de la littérature de témoignage britannique. Ces mémoires de guerre se distinguent par la qualité de leur style et une volonté permanente de précision géographique. Ayant combattu en Artois, dans la Somme et les Flandres, Blunden propose un regard ironique et acerbe sur la guerre. Ces mémoires, écrits comme l’indiquent leur titre « en demi-teintes », sont d’une grande puissance d’évocation. L’auteur a par ailleurs écrits de nombreux poèmes de guerre.

Les villes françaises fortifiées sont d’une grande beauté. Non loin d’ici, le bourg de Gravelines en est un exemple parfait. Ses remparts sont disposés en forme d’étoile. Quand le soleil brille sur l’eau des douves, la petite cité scintille comme un diamant. Elle est à moins de deux kilomètres de la côte, avec laquelle elle est reliée par un canal.

John Grider (1892-1918)

Un des rares pilotes américains ayant servi au sein de la British Royal Air Force. C’est en revenant à la base après avoir abattu un appareil ennemi près d’Armentières que son aviation disparut. Son journal de guerre est publié en 1926, sous le titre War Birds: Diary of an Unknown Aviator.

La gare ne désemplit pas, jour et nuit, avec un passage incessant de troupes. Les soldats profitent de leur arrêt de trois-quatre heures pour se reposer ou manger un morceau. A ces moments-là, les rues s’animent et les magasins où on vend des pâtisseries, des cigarettes et des cartes postales font leurs affaires. L’atmosphère est radicalement différente quand arrive un train de blessés. Les ambulances grises de la Croix-Rouge arrivent alors à la gare pour emmener les pauvres tommies blessés.

Mary Waddington (1833-1923) Auteure américaine, épouse de diplomate, résidant à Paris. Son journal de guerre (My War Diary) est un document précieux permettant de mesurer l’impact de la guerre sur la population civile. En octobre 1916, elle se rend à Hazebrouck, où un de ses petits-fils est hospitalisé.

Tous les touristes qui envahiront la Flandre après la guerre doivent se rendre au « Chapeau Rouge » à Hazebrouck. Nous y avons dégusté de la soupe aux lentilles, des rognons à l’étouffée, du veau braisé avec pommes de terre et poireaux, des fruits, du fromage et du très bon vin rouge. Le prix demandé était très modique. Il existe d’autres hôtels plus prestigieux dans la ville mais croyez-en le jugement d’une estafette, aucun ne vaut le « Chapeau Rouge ».

William Watson (déjà cité)

A Hesdin, je profitai d’un petit dîner avec Bowlby et Herringham dans la bibliothèque du cantonnement qu’ils partageaient et où ils se rendaient chaque soir s’ils le pouvaient. Sir Wilmot lisait avec ferveur la « sublime » histoire de France de Thiers consacrée à la période napoléonienne, qu’il avait trouvée sur les rayonnages. Tous deux plongés dans leur lecture, ils n’en perdaient pas une miette. Ils se passionnaient pour l’histoire du Pas-de-Calais, qui fut autrefois une partie des Pays-Bas espagnols. Le château de Marie de Hongrie, la soeur de Charles Quint, n’était-il pas une des fiertés d’Hesdin ?

Harvey Cushing (déjà cité)

Hesdin – Soldat du Machine Gun Corps embrassant une Française sous une branche de gui – décembre 1917

Hinges était un village situé le long du canal reliant Béthune à Aire, une région de vergers qui atténuaient la lumière crue du jour, de granges de terre battue, de saules têtards et de champs plats verdoyants. Le lieu-dit où nous devions loger s’appelait Hingette et longeait le canal. Le commandant de compagnie que je devais relever était confortablement installé dans une salle de ferme, devant une fenêtre ouverte, tout comme l’aurait fait Shelley en pareille occasion: il me reçut à la manière d’un camarade de lycée, ce qui me facilita la tâche. Les rencontres de ce genre faisaient le charme du Corps Expéditionnaire Britannique. La guerre n’a jamais réussi à oblitérer ces grâces. Exception faite du grand tas de fumier qui occupait le centre de la cour, cet endroit fut un des plus heureux qu’ait connus mon malheureux bataillon.

Edmund Blunden (déjà, cité)

Les estaminets et les petits restaurants du côté de la « Place des Barbelés » où on mangeait des frites furent des lieux de grandes réjouissances où plus d’une histoire héroïque fut contée dans un dialecte qui mêlait un français très déformé à un anglais de tendance élémentaire et souvent sulfureux, le tout accompagné de force gestes et éclats de rire. Les frites, les oeufs, le café et la bière nous faisaient du bien mais pas autant que la brave Mademoiselle, une merveilleuse créature enjouée et généreuse. « Jamais fâchée, jamais vexée ». Elle consentait toujours à une « promenade avec Monsieur après la guerre », voire à le suivre en Nouvelle-Zélande « après la guerre suivante ». Mademoiselle from Armentières, vous avez été une bonne amie des Néo-Zélandais. Vous les avez aidés à traverser ces temps difficiles et nous ne vous avons pas oubliée. Aujourd’hui dans le bush, les mines, les usines, les villes et les campagnes de Nouvelle-Zélande, les hommes pensent encore à vous.

Ormond Burton (1893-1974) En novembre 1914, Ormond Burton s’engage dans le Corps Médical Néo-Zélandais. Après avoir été infirmier aux Dardanelles et en France, il rejoint l’infanterie pour, selon ses propres termes, « remplacer » un ami proche qui venait d’être tué. Promu sous-lieutenant, il est blessé à trois reprises. En 1917, on lui demande de commencer la rédaction de l’histoire de la Division Néo-Zélandaise, qui sera publiée en 1919. Déçu par le Traité de Versailles, il milite dans la mouvance pacifiste et devient pasteur. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, il continue à mener son combat pacifiste, ce qui lui vaudra une peine d’emprisonnement.

Le 26 décembre 1915, les Robins des bois furent cantonnés pour une quinzaine de jours à Isbergues, près du canal d’Aire à La Bassée. C’est pendant cette période que le bataillon dut se séparer de sa mascotte, un chien noir et blanc de type collie. Il avait été trouvé à Ypres et s’était attaché aux signaleurs. Il accompagnait la troupe pendant les marches et la suivait en première ligne. Le bataillon l’appelait « P… d’Ypres » mais comme les Robins des Bois devaient sous peu se rendre sur le front égyptien, il n’était pas question de lui faire traverser la mer. C’est avec beaucoup de regrets qu’il fut donné à un Français sur une des berges du canal.

Extrait de The Robin Hoods (Journaux de 3 bataillons des Sherwood Foresters), 1921

Isbergues – usine sidérurgique sous les bombardements

Pendant que nous occupions la première ligne à Kemmel, nous vîmes un troupeau d’oies sauvages voler vers nous à l’aube. Elles fendaient le ciel en « colonne » mais quand elles arrivèrent à portée de tir des Allemands, ceux-ci les visèrent avec leurs fusils. Les oies hésitèrent au-dessus du no man’s land puis se regroupèrent. A droite comme à gauche, nos troupes les repérèrent et firent également feu. Le troupeau d’oies se sépara alors en groupes de quatre-cinq unités comme si elles adoptaient une  « formation d’artillerie ». Bien que des centaines d’hommes leur aient tiré dessus, aucune ne fut touchée. Elles disparurent ensuite du côté de Wytchaete.

Algernon Willougby Né en 1885, cet officier canadien a publié ses mémoires de guerre sous le titre An RCR Officer’s diary.

Avant que nous arrivions, Givenchy était un village sans prétention sur une petite élévation, Violaines un bel endroit où se rendaient volontiers les ouvriers de La Bassée, Festubert un lieu de rendez-vous pour les paysans des fermes insalubres du coin. Quand nous sommes partis, Givenchy n’était plus qu’un amas de maisons brisées au-dessus de caves barricadées. Quelques Allemands s’étaient fixés à Violaines. La grande horloge de Festubert prenait la rouille sur un mur de taverne. Nous détestions La Bassée, car la division s’était cassé les dents en essayant de s’en emparer. Il existe des endroits qui, comme les criminels, ne devraient pas avoir le droit de vivre.

William Watson [déjà cité]

La route qui relie La Boiselle à Contalmaison traverse la pire zone du champ de bataille. Aucune trace de village ne subsiste si ce n’est quelques troncs d’arbres. Des cratères d’obus se confondent avec les caves. La zone grouille de soldats qui vivent dans des trous, cuisinent en plein air, réparent des routes, tendent des fils et montent en ligne par petits groupes.

Andrew McPhail (1864-1938) Ambulancier canadien. A publié en 1925 l’histoire des services médicaux canadiens pendant la guerre.

Après les tranchées, nous sommes partis en réserve à la Gorgue où un hôtel avait été réservé à notre intention. Une bénédiction ! Nous avons occupé le premier étage d’un estaminet, dont les fenêtres étaient intactes, même si une explosion avait endommagé la cheminée. De la paille étalée sur un plancher, c’était le grand confort. A notre réveil, la Lys était gelée. Après avoir payé nos 10 francs, nous sommes partis à la recherche d’un repas chaud. Une pancarte où était marqué « Oeufs frits et café » nous incita à entrer dans une minuscule maison qui abritait deux hommes d’âge mûr, une vieille femme, trois jeunes femmes et deux enfants. Nous étions à l’étroit mais après avoir englouti nos oeufs, nos tartines au beurre et notre café, nous avons sympathisé avec tous ces gens et leur avons montré nos photos de famille.

Norman Cliff (1893-1977) En 1914, Norman Cliff quitte son récent poste de journaliste pour s’enrôler dans les Grenadier Guards. Il prend part aux batailles de la Somme et de Passchendaele. Après l’Armistice, il est engagé au News Chronicle, au poste de responsable éditorial pour les affaires étrangères. To Hell and back with the Guards paraît en 1988, onze ans après sa mort. Ces mémoires ont clairement pour objectif de dénoncer la guerre.

La Gorgue après la guerre

Le 30 avril [1916], un intéressant concours fut organisé à La Motte-au-Bois opposant les bushmen maoris aux bûcherons français. Chaque équipe de six hommes devait abattre douze arbres selon les méthodes françaises. L’équipe des Pionniers remporta la mise avec un écart de trois minutes, ce qui était une excellente performance si on considère que les hommes avaient dû intégrer une nouvelle technique d’abattage.

The Maoris in the Great War Cet ouvrage, écrit en 1926 par James Cowan, un historien néo-zélandais spécialiste de la culture maori, est basé sur les journaux tenus par plusieurs officiers des unités néo-zélandaises ayant combattu en France.

Le lendemain, nous marchâmes jusqu’à Béthune puis jusqu’à Labeuvrière, un joli village aux arbres verdoyants, doté d’un ruisseau où nous pouvions nous baigner et de bois dans lesquels il faisait bon se balader et oublier. Nos quartiers étaient abrités dans une ancienne abbaye pleine de charme avec un jardin ombragé et des pelouses sur lesquelles nous nous prélassions en nous tenant au courant des faits d’armes des Canadiens dans le secteur que nous avions quitté. Une procession religieuse, les compliments du général Home, qui dirigeait la compagnie, des exercices avec le bataillon et des concerts al fresco dans le jardin monacal, c’était tout ce dont nous avions besoin pour nous remettre en état de combat. Donnez un environnement agréable au tommy et il se remettra de n’importe quelle épreuve.

Henry Page Croft (1881-1947) Baron de Bournemouth, député conservateur, Henry Page Croft, est présent en France les deux premières années de la guerre au sein du régiment du Hertfordshire. Il publie Twenty-two months under fire en 1917.

Marie, du “Cheval Blanc”, mit à notre disposition une pièce pour que les officiers puissent se rencontrer et boire de la bière. Son nom peut être ajouté à la longue liste des Tina, Bertha et autres, qui partout en France accueillirent chaleureusement les officiers britanniques dans leurs estaminets.

John David Hills (1895-1975) (déjà cité)

Les verts jardins de Laventie !

Les soldats ne connaissent que la rue

Où la boue, sans cesse pétrie, éclabousse

Sous les pieds qui marchent au combat;

Mais derrière une maison en ruines dort un petit carré d’herbe.

Ne le manquez pas quand vous y passerez.

(1ère strophe de « Le mal du pays à Laventie »)

Edward Tennant (1897-1916) D’ascendance noble, Edward Tennant s’engage dès ses 17 ans dans le 4e bataillon des Grenadier Guards. Il est tué le 22 septembre 1916 dans la Somme alors qu’il préparait la publication d’un recueil de poèmes, lequel paraîtra avant la fin de l’année. Le poème « Home Thoughts in Laventie » fait partie de toutes les anthologies consacrées à la poésie britannique de la Grande Guerre. Edward Tennant est enterré au cimetière de Guillemont.

Gordon Highlanders – Laventie – 1915

Le Doulieu, 17 mars 1915

Notre poste de commandement est situé dans la ferme où le Kronprinz et son état-major ont séjourné quelque temps au cours de la retraite allemande de 1914. Le colonel occupe la chambre impériale. Pour ma part, je dors sur quatre sacs de paille dans l’entrepôt de pommes de terre, et l’odeur est terrible si je ne laisse pas la fenêtre ouverte. Malheureusement celle-ci s’ouvre de l’intérieur et remplit quasiment le local quand elle est ouverte.

John David Hills (1895-1975) [déjà cité]

Cameronians (Fusiliers écossais) en exercice au Doulieu

LE PARACLET (COTTENCHY) (80)

Le village possédait une très grande école d’agriculture, qui s’avéra être un excellent cantonnement. Tous les civils avaient fui le village mais ils avaient laissé derrière eux quelques cochons. Ces derniers erraient librement et ils n’étaient pas faciles à dégotter.

E.C. Matthews With the Cornwall Territorials on the Western Front

Le 29 juin 1918, je me suis rendu au Quesnoy, où le 11e était en repos l’année dernière avant de partir pour le saillant d’Ypres. J’ai rendu visite à mes anciens logeurs et j’ai appris que le curé était mort.

Robert McKay En 1972, Robert McKay décide de taper à la machine son journal de guerre, qu’il n’a pas relu depuis plus de cinquante ans. Dans la préface, il écrit : Je ne sais plus pourquoi j’ai écrit ce journal au jour le jour, un compte rendu décousu d’une période qui le fut également. (…) Peut-être l’ai-je écrit comme une sorte d’alibi, pour me rappeler où j’avais été, peut-être aussi était-ce un mémorial au cas où je ne reviendrais pas.

Au sommet de la colline, à droite de la grand ‘route, se trouve l’emplacement du hameau appelé Le Quesnoy, mais il ne reste plus rien des maisons si ce n’est quelques tas de briques. Le sol a tellement été labouré par les gros obus qu’il est difficile d’imaginer qu’un village a un jour existé à cet endroit. Même la route qui le traversait n’est plus attestée.

William Bell Ayant refusé de prendre les armes pour des raisons religieuses, William Bell se rend en France, en qualité d’architecte, vers la fin de la guerre sous l’égide d’un comité d’aide aux victimes de guerre. Sa tâche consiste principalement à ériger des logements temporaires pour les populations déplacées. Il a relaté cette mission dans A Scavenger in France (1920).

Les champs en pleine végétation et les eaux scintillantes du Steent’je eurent un effet apaisant sur ces hommes qui avaient vécu la pire expérience de leur vie. Je me souviens d’une messe que j’ai célébrée en plein air. L’herbe de la prairie était douce et veloutée et juste derrière l’endroit où j’avais placé l’autel un ruisseau aux eaux argentées coulait avec nonchalance.

Frederic Scott (déjà cité)

Paris-Plage n’était qu’à trois kilomètres. Ses cafés pittoresques et ses jolies filles attiraient irrésistiblement les soldats en proie à la solitude. Mais les filles n’étaient pas la préoccupation de Jogman. Sa vie était remplie quand son estomac l’était et les effluves de cognac ou de « whiskey blanc » l’ensorcelaient comme le sourire d’une sirène. Avec sa paie du mois et son laissez-passer de vingt-quatre heures, il prit le chemin le plus court, à travers la forêt,  pour atteindre son objectif. Le ciel était dégagé et le temps doux. Une brise légère s’attardait paresseusement dans les pins. Quand il atteignit l’orée de la pinède, il vit les dunes qui ondulaient vers la mer. Ces grandes dunes de sable sont fascinantes. Le temps et le vent les ont si bien tassées que l’on peut marcher à leur surface sans laisser d’empreinte. Des cratères aussi grands que le Colisée de Rome, entourés de touffes d’herbe, s’étalaient devant ses yeux mais il poursuivit opiniâtrement son chemin, remarquant à peine la beauté de ce qui l’entourait. Tout ce que Jogman voyait, c’était le haut d’un grand hôpital français qui marquait la limite de la ville et se détachait nettement du ciel bleu.

Frederick Bell (1878-1931) The First Canadians in France, the chronicle of a military hospital in the war zone

Aux Attaques avait été érigé un camp étonnant où, comme au Havre, les trains venaient déverser tous les rebuts des champs de bataille, qui étaient triés et redistribués. Des milliers de montres et de bottes y ont été réparées. Des vélos y étaient reconstitués. Toutes sortes de miracles s’accomplissaient dans les différents ateliers. C’était une drôle de sensation : entrer sous la tente, être la seule femme parmi tant d’hommes puis être acclamée après avoir récité trois ou quatre poèmes.

Lena Ashwell (1872-1957) Cette comédienne britannique a été la première à organiser de grandes tournées en France pour divertir les soldats. Elle a créé une troupe d’une vingtaine d’artistes qui sillonnait l’arrière du front. Dans Modern Troubadours (1922), elle insiste sur le fait que les hommes du rang étaient amateurs de grande littérature, en particulier de Shakespeare.

L’estaminet vendait un très mauvais vin rouge à douze francs la bouteille. Seuls les soldats qui sortaient juste des tranchées daignaient en acheter.

Colonel F.L Morrison : A publié l’histoire de son bataillon en 1921 : The Fifth Battalion Highland Light Infantry in the War. Cette unité a essentiellement combattu aux Dardanelles et en Palestine. Elle arrive en France en mars 1918.

Le bataillon arriva à Haubourdin à quatre heures, où il profita d’une pause pour le repas. Arrivés dans la banlieue de Lille, nous envoyâmes des éclaireurs pour nous assurer de l’absence de toute mitrailleuse ennemie. Le canal situé à l’ouest de la ville fut atteint à cinq heures. Les ponts avaient tous été dynamités mais celui du Canteleu, bien que très endommagé et baignant en partie dans l’eau, pouvait encore être franchi à la file indienne.

(…) Nous trouvâmes une ville qui n’était plus administrée. Les derniers maitres, autrement dit les Allemands, étaient partis. Il n’y avait aucune force de police, les rues n’étaient pas éclairées et les tramways avaient depuis longtemps cessé de rouler. Les rues étaient encombrées de détritus qui pourrissaient. Les magasins étaient vides, des centaines d’habitants étaient morts de faim et ceux qui avaient survécu étaient à bout de force. Pendant trois jours, le bataillon est resté de garde aux portes de la cité pour empêcher toute sortie. Les autorités françaises souhaitaient arrêter un certain nombre d’habitants. Il était donc nécessaire d’empêcher ceux-ci de s’échapper avant l’arrivée de la police française.

Enos Roberts  A publié en 1922 l’histoire officielle du « 9th King’s » pendant la Grande Guerre.

Le lendemain, nous atteignîmes Lillers. Cette petite ville regorgeait de troupes appartenant à presque tous les régiments imaginables, des cavaliers indiens à la peau sombre aux Highlanders écossais arborant le kilt. Au loin, nous entendions le son du canon. Les tranchées n’étaient plus très loin. Je fus logé dans un café de la place et toute la nuit j’entendis les pas réguliers des soldats et les roues des chariots sur la route pavée.

James Beatson [déjà cité]

Un major avait pris en charge le village de Longavesnes et répartissait les cantonnements par compagnie. Dans notre section, peu d’abris étaient disponibles et il nous fallut entasser la troupe dans des ruines. Pour notre poste de commandement, nous dûmes nous contenter d’une remise de trois mètres sur deux qui avait servi à ranger des harnais. Il n’y avait plus de toit mais une bâche avait été tendue pour nous protéger de la pluie. Un lieutenant des 4e Gloucesters fit irruption, nous annonça qu’il était le major du village et que c’était ici qu’il logeait, nous obligeant à déguerpir fissa.

Edwin Campion Vaughan (1897-1931) Edwin Vaughan s’enrôle dans les Artists Rifles en 1915. Il devient sous-lieutenant dans le régiment du Royal Warwickshire en juin 1916 et part pour la France en janvier 1917. Son journal de guerre est découvert en 1940 et ne sera publié qu’en 1981 sous le titre de Some Desperate Glory. Il retrace les quelques mois de 1917 où il a combattu sur le front occidental, avant d’être envoyé sur le front italien.

Notre longue marche nous mena à Magnicourt-sur-Canche, situé sur une petite élévation. Les eaux  grises de la Canche ondulaient le long de berges boisées. On apercevait des truites sous le pont. Je me suis demandé si la « Ministerial Deevil » avec laquelle j’avais attrapé ma dernière truite était une mouche adaptée à ce lieu. Mais de telles pensées doivent être bannies de ce mois d’octobre. Laissez-moi plutôt vous conter l’admirable lit à baldaquin et ses rideaux de dentelle posé sur un sol en mosaïque. « Digne du général Haig ! » commenta Johns, mon ordonnance, en me servant un quart de thé le lendemain matin.

Guy Chapman (1889-1972) Publié en 1933, A Passionate Prodigality, fait partie des oeuvres phare de la littérature de témoignage britannique. L’auteur y rend hommage à tous ceux aux côtés desquels il a combattu. Comme il l’annonce au début de l’ouvrage, la communauté des tranchées ne disparaît pas au moment où se termine la guerre. Par la suite, Guy Chapman travaillera dans l’édition puis sera professeur d’histoire à l’université de Leeds.

Les tenanciers de l’estaminet de Maisnil-saint-Paul connaissaient parfaitement la loi commerciale selon laquelle les prix augmentent quand la demande est forte. Payer sa bière deux fois le prix habituel est toutefois dur à encaisser pour un soldat. En conséquence, Maisnil-saint-Pol reçut une très mauvaise note de la part de la troupe.

The London Irish Regiment (déjà cité)

Pendant que nous étions à Marest, nous avons pu profiter d’un programme récréatif qui fut du goût de tout le monde. La proximité du cinéma de Pernes permettait de faire une pause dans l’entraînement et de penser à autre chose qu’au passé ou à l’avenir. Le grand événement sportif de cette période eut lieu le 3 juin. Le combat entre Holman et Abrahart fut de toute beauté. Après six rounds très disputés, Abrahart fut déclaré vainqueur.

Régiment du London Irish Rifles : Le 1er bataillon de ce régiment s’est distingué au cours de la bataille de Loos. En quittant la tranchée pour partir à l’assaut des lignes ennemies, le soldat Frank Edwards, capitaine de l’équipe de football régimentaire, avait lancé un ballon et l’avait poussé du pied à travers le no man’s land. Le ballon de foot de Loos a été conservé par le musée du régiment.

26.2.17

26 février 1917 Le bataillon s’est rendu à Marles-les-mines pour la finale du tournoi de la division. Nous avons perdu l’épreuve de tir à la corde au profit des 3e Pionniers.

27 février 1917 Compétitions de lancer de grenades et de tir. Notre équipe de grenadiers a fait piètre figure mais notre équipe de combat à la baïonnette a terminé troisième.

The First World War Diary of the Royal Canadian Regiment

La cité des Brebis n’a plus de secret pour les fusiliers du London Irish. Nous en connaissons toutes les rues, tous les carrefours, tous les estaminets. Les maisons, abîmées ou intactes, abritent des blanchisseuses, des cuisinières, des commerçantes et de jolies jeunes filles qui nous sont toutes devenues familières. A chaque retour des tranchées, nous retrouvions le même cantonnement, où nous attendait la brave maîtresse de maison. Elle avait trois enfants, qui égayaient de leurs babillages les heures paisibles de la journée. Quand l’ennemi bombardait Les Brebis, ils étaient expédiés à la cave. La mère allait alors ramasser des percuteurs dans les rues. Elle les vendait ensuite aux officiers qui partaient en permission au pays. La valeur du percuteur était proportionnelle au dégât causé par l’obus auquel il appartenait. Grâce à cette femme, que nous avions surnommée « Jeanne d’Arc », j’ai en ma possession un obus qui est tombé sur l’école, y causant de nombreuses victimes.

Patrick MacGill (1891-1963) Brancardier irlandais qui avait publié un livre avant 1914, Patrick MacGill a écrit plusieurs récits sur la guerre, dont The Great Push, qui raconte la bataille de Loos et les jours qui l’ont précédée.

Nous avons regagné nos positions de réserve à Mazingarbe. Les soldats prenaient plaisir à lire les nombreuses pancartes « A LOUER » accrochées aux maisons en ruines. Ceux d’entre eux qui y étaient cantonnés déclaraient solennellement qu’ils ne signeraient le bail qu’à la condition expresse que celui-ci soit vierge de toute clause stipulant que les réparations incombent au locataire.

Régiment du London Irish Rifles (déjà cité)

Les quelques jours que le bataillon passa à Mazinghem furent une période très agréable. Les villageois n’étaient pas lassés de voir des soldats britanniques et nous ont chaudement accueillis dans leurs maisons. Ce fut avec une fierté non dissimulée que le curé, chez qui l’aumônier et moi avions la chance de loger, nous informa que le général Pétain avait autrefois passé de nombreuses et heureuses journées dans ce presbytère, son oncle ayant été le curé de la paroisse.

S.J. Wilson Capitaine. Décoré de la Médaille Militaire. Auteur de The Seventh Manchesters, chronique régimentaire de juillet 1916 à mars 1919, publiée en 1920.

La cantine impériale de Merris est un endroit récréatif avec un piano, des journaux, du papier et de l’encre à disposition des soldats. On y vend du chocolat chaud et des gâteaux, des cigarettes, des fruits en boite, le tout en petite quantité mais cela nous suffit. J’y ai acheté une boite de cigares Abdulla n°14 au prix de 3 francs.

Thomas Richards (1882-1935) Le lieutenant australien Thomas Richards a tenu un journal de bord de juillet 1914 à mai 1918. Il repart en Australie en août 1918 suite à des blessures et des lésions dues au gaz.

Etrangement, nous avions l’impression d’être hors d’Europe car les rues regorgeaient d’Africains et d’Indiens appartenant aussi bien aux armées française que britannique : de grands et solennels Sikhs et Rajputs en kaki, Spahis, Algériens et Maures revêtus de toute une variété d’uniformes : tuniques et ceintures rouges, culottes bouffantes, culottes bleues ou kakis, vareuses, burnous blancs, turbans arabes, etc, et même des Sénégalais noirs comme la nuit et des Berbères venus de la Mauritanie et de l’Atlas. J’ai essayé d’engager la conversation avec ces derniers mais sans succès : ils n’ont pas compris mon arabe et je n’ai pas compris leur dialecte.

Edward Gleichen (déjà cité)

Les rues de Montigny étaient encombrées de fantassins. Je rencontrai une colonne de blessés, certains sur brancards, d’autres soutenus par des camarades, d’autres encore qui avançaient seuls en vacillant. Ils se dirigeaient vers le portail ouvert de l’église, laquelle avait été convertie en poste de secours. Les dalles avaient été recouvertes d’une épaisse couche de paille sur laquelle de pauvres formes humaines ressemblaient aux ombres de la mort. (…) Dans l’autel, un christ dont la blancheur émergeait de la semi-obscurité regardait avec tristesse l’éternelle souffrance du monde.

Cecil Alexander Brownlow (1889-1965) Dans The Breaking of the Storm, le capitaine Browlow raconte ses premiers mois de guerre, de Mons à la première bataille d’Ypres.

A Montreuil, des membres du G.Q.G. nous prêtèrent aimablement leur terrain de cricket, une véritable oasis dans les bois de Saint-Josse. Nous pûmes y jouer de nombreux matchs, contre d’autres escadrons ou entre nous. Des petits chevaux nous accompagnaient au terrain, chargés du nécessaire à thé, de petits pains en provenance des boulangeries d’Etaples et parfois de fraises que les fermes avoisinantes nous fournissaient en abondance. Après les matchs, nous rendions justice à cette royale profusion, installés sur l’herbe fraîche à l’ombre de pins odorants. Les hommes oubliaient alors leurs chevaux et les selles à polir, les filles qu’ils avaient laissées au pays, la sempiternelle routine des guets et les horreurs auxquelles ils allaient bientôt à nouveau assister.   

Arden Beaman (1886-1950) Cet aumônier a accompagné en France un escadron de cavalerie de septembre 1917 à fin 1918.

Quand nous avons quitté Morbecque, tous les habitants sont sortis pour nous saluer. De nombreuses femmes pleuraient, et bien que nous n’ayons été ici qu’une semaine nous avions la sensation de quitter de vieux amis. En haut de la rue, il y avait une jolie petite échoppe où une vieille femme toute ridée, vêtue d’une robe de dentelles, d’un châle antique et d’un bonnet blanc comme neige, vendait des cartes-souvenirs en soie et autres fantaisies tout aussi raffinées.

Hugh Knyvett  Grièvement blessé à Gommecourt en novembre 1916, le capitaine australien Reginald Hugh Knyvett est dispensé de service actif. Il se rend aux États-Unis pour y donner des conférences sur la guerre et meurt à New York en 1918, après avoir publié « Over there » with the Australians.

En arrivant à Neufchâtel, nous avons aperçu de loin le C.H.D.A.V.C. (Convalescent Horse Depot of the Army Veterinary Corps), autrement dit le Dépôt pour Chevaux Convalescents du Corps Vétérinaire. Si son emplacement devenait connu de l’ennemi, ce pourrait être très dommageable, car la guerre est une affaire de secrets et de camouflage, mais aucun Allemand ne pouvait deviner ce que signifiait ce sigle.

Harvey Cushing (1869-1939) Ce chirurgien américain, pionnier des opérations du cerveau, se rend en France avec le Corps Médical Américain. Chef d’une unité chirurgicale, il expérimente l’usage d’électro-aimants pour extraire des éclats métalliques dans le cerveau. Son ouvrage From a surgeon’s journal, publié en 1936, relate dans le détail sa mission de chirurgien en France et en Belgique.

Ce village était typique de ceux du plat pays avec sa bonne terre agricole, son église, une école, une poste et des magasins où les fermiers pouvaient acheter une livre de sucre ou de la ficelle, venir voir le notaire ou faire ferrer leurs chevaux sans avoir à se rendre à Béthune. Neuve-Chapelle n’est devenue célèbre qu’après avoir cessé d’exister, sauf si on considère qu’un village reste un village même après avoir été réduit à néant. Bien qu’en mars 1914 on n’eût accordé à Neuve-Chapelle, petit village intact et paisible, qu’un simple coup d’oeil en y passant en automobile, en mars 1915 Neuve-Chapelle en ruines était devenue la commune européenne que je souhaitais le plus visiter.

Frederick Palmer (1873-1958) Ce journaliste américain, qui avait commencé sa carrière en couvrant la guerre entre la Grèce et la Turquie en 1897, se rend sur le front occidental et obtient l’accréditation du général Pershing. Il publiera plusieurs livres témoignant de la guerre sur le sol français.

Neuve-Chapelle – Les Christ des tranchées

[Lettre à Vera Brittain] Il y a deux-trois jours, j’ai organisé pour la compagnie un petit concert à Nieppe. Je me suis débrouillé pour emprunter un piano. Nous l’avons installé en plein air et les hommes se sont installés autour. Le bataillon comprend un bon nombre de belles voix et le concert a été une réussite. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la dernière fois où j’avais fait ce genre de chose, en ma qualité de président de L’Union Society au lycée d’Uppingham. Tu aurais été amusée de me voir sur une scène improvisée chanter en duo avec une jeune fille française. Le caporal qui nous accompagnait au piano avait la main plutôt lourde.

Roland Leighton (1895-1915) Surtout connu grâce à l’ouvrage de Vera Brittain, Mémoires de Jeunesse. Ses lettres ont été publiées dans Letters from a lost generation (Vera Brittain and four friends).

Noeux était un village coquet, entouré de collines ondulantes, lesquelles étaient couronnées de riches bois. Pendant les heures où nous n’étions pas à l’entraînement, les sangliers des bois d’Auxi et les cafés nous fournissaient le loisir et la romance. Le 26 juillet, nous nous quittâmes Noeux. Les habitants, dont une vieille femme était appelée ‘La Reine Victoria’ même par les villageois, nous fîmes de chaleureux adieux. Trois heures plus tard, nous traversâmes à nouveau le village, mais cette fois en train.

Geoffrey Rose (déjà cité)

Noeux-les-mines était une excellente ville de cantonnement, où nous pouvions retrouver un semblant de civilisation. Quand notre tour arrivait de partir en réserve, nous nous y rendions avec joie pour retrouver les cafés, les pianos, le bon vin, un cinéma dans une vieille grange et surtout des lits avec des draps. La simple évocation de ces plaisirs chantait à nos oreilles et nous réchauffait le coeur tandis que nous parcourions les huit kilomètres pour nous y rendre. C’était tout autre chose en sens inverse : le retour vers le saillant de Loos nous paraissait toujours plus long.

Matthew Cooper (1892-1969) De février 1916 à novembre 1918, cet employé de banque irlandais se bat sur le front occidental, principalement dans les Flandres. Après la guerre, il décide de rester dans l’armée. En 1921, il rédige son journal de guerre, précisant  J’ai écrit ces pages pour m’aider à me remémorer ces années tragiques et importantes qui m’ont fortement marqué et dont l’influence sera toujours présente. Son fils publiera ce texte en 1994 sous le titre We Who Knew.

A cette époque, seul un témoin oculaire pouvait rendre compte de ce qu’était Ypres. En m’y rendant, toutes les autres parties du front devenaient d’agréables souvenirs. Je revoyais Outtersteene où nous avions passé une période de repos et je repensais aux maisons où nous avions logés, au curé, aux belles journées ensoleillées de la campagne alentour. Quelle terrible comparaison avec l’endroit lugubre où nous nous rendions !

Bruce Bairnsfather [déjà cité]

Wounded soldiers of the 9th Division

Presque tous les habitants de Pérenchies dépendaient de l’usine textile, qui appartenait à Monsieur Saint-Léger. Madame Saint-Léger, qui était restée à Lille pendant une grande partie de l’occupation, se dévoue depuis l’Armistice pour que la ville ait à nouveau une vie sociale. Grâce à elle, des dispensaires, des écoles et des cours de couture pourvoient aux besoins des familles qui reviennent.

Corinna Smith (1876-1965) Pendant la guerre, elle travaille avec son mari au Franco-American Committee for the Protection of the Children of the Frontier, basé à Paris. En 1920, elle publie Rising Above the Ruins in France, fruit de son enquête dans les zones dévastées.

14-07-1916      Un grand nombre de camions transitent chaque jour par ce village dont la route principale est sans cesse encombrée. Toutes les nuits, ils démarrent à 2 heures avec des vivres pour les hommes du front. Ici, nous devons nous contenter de peu : bully-beef, pain et fromage. Aujourd’hui, on a sorti des drapeaux et décoré les bâtiments car c’est l’anniversaire de la prise de la Bastille. J’ai pu faire quelques achats avec les deux pièces que j’ai apportées d’Egypte, un Louis et un Napoléon.

Clarence Dakin (1894-1917) Après s’être battu sur le front oriental, le lieutenant Australien Clarence Dakin arrive en France en mars 1916. Il est tué au combat près de Noreuil en avril 1917. Son corps n’ayant pas été retrouvé, il est commémoré sur le mémorial de Villers-Bretonneux.

Pommier était un endroit plaisant, très rarement bombardé. Le Q.G. de la Brigade y était installé et, avec l’aide d’un maire plein de dynamisme et de notre précieux interprète, M. Bonnassieux, nous avons pu améliorer les cantonnements. Dans leur majorité, les civils furent accueillants, bien que le 26 août une plainte a été formulée par le maire : certains de nos officiers se baignaient à la vue de tous et cela ne faisait pas partie des indécences approuvées par les Français.

J.D. Hills (déjà cité)

Le onze à huit heures du matin, à Pont-sur-Sambre, la division apprit la signature de l’armistice et la fin des hostilités à onze heures. Il n’y eut pas d’exultation. La nouvelle fut reçue avec apathie et même une pointe de déception à l’idée que la poursuite d’un ennemi en déroute devait cesser. Comparée avec la joie et l’hystérie qui se manifestèrent au pays, l’insensibilité de ceux qui auraient dû être le plus concernés peut paraître étrange. La dissipation de l’omniprésent nuage de la mort qui avait plombé le ciel pendant quatre ans et demi ne se fit pas immédiatement pour les troupes fatiguées, trempées par la pluie, couvertes de boue, et même si les événements dramatiques des derniers jours nous avaient préparés à cette heure, il nous fallait du temps pour que la formidable réalité puisse être pleinement attestée. Nos pensées étaient naturellement tournées vers l’avenir immédiat. Que se passerait-il ? Rentrerions-nous au pays ? Ou pousserions-nous jusqu’au Rhin ?

Arhur Hussey (1863-1923), Général de brigade, co-auteur de The Fifth Division in the Great War (1921)

Ah, le salon de thé de Poperinge ! Où peut-on espérer trouver un lieu plus apprécié de la troupe au début de 1915 ? Où pouvait-on manger de meilleures omelettes, servies par une si charmante serveuse ? Était-elle réellement charmante où le paraissait-elle « faute de mieux » ? Où pouvait-on trouver endroit plus agréable pour rencontrer les amis des autres régiments, boire du café et se régaler de délicieux gâteaux français ? Il n’est pas surprenant que ce salon de thé fût déjà bondé à quatre heures de l’après-midi en ces jours précédant la 2e bataille d’Ypres.

Vernon Bartlett (1894-1983) Avant de devenir journaliste, homme de radio, auteur et député, Vernon Bartlett a combattu sur le front occidental. Évacué pour blessure en 1915, il est  chargé d’interroger les blessés dans les hôpitaux anglais et de fournir aux journaux des articles qui s’apparentent plus ou moins à de la propagande. En 1917, il épouse une réfugiée belge, avec laquelle il aura deux enfants. Il couvre la conférence de Versailles pour l’agence Reuters. Son expérience de guerre lui a ôté bon nombre d’illusions.

Aucun programme d’entraînement digne ce nom à Proyart mais la troupe et les officiers ont pu bénéficier d’un bain, lequel n’était pas un luxe. Par inadvertance, deux officiers utilisèrent une cuve qui avait servi auparavant à traiter les moutons contre les parasites. Ils en sont ressortis avec différentes teintes de mauve, une vraie tenue de camouflage !

Extrait de The Sherwood Foresters in the Great War (1920)

16-07-1916. Sommes arrivés au cantonnement de Puchevillers – pire qu’une porcherie.

John Adlard (1888-1980) (déjà cité)

Nous sommes arrivés à Querrieu par un jour parfait de juin. Il faisait bon être en vie. Pendant une dizaine de jours, nous avons joué au cricket, pris des bains dans la rivière, profité du soleil et aussi de l’ombre fraîche des bois. Nous aimions l’humanité entière à l’exception des bombardiers fritz dans leurs aéroplanes.

Frank Clifton Green (1890-1974) Sous-lieutenant dans le 40e bataillon des Forces Australiennes, une unité composée de Tasmaniens, Frank Green a combattu à Messines, Ypres et Morlancourt. En 1922, il écrit The Fortieth : A Record of the 40th Batallion, AIF.

Querrieu – 28th July 1918 – Group portrait of the 14th Field Ambulance Transport Section AIF, 5th Division

Nous quittâmes notre camp le mercredi 16 octobre après-midi (1918) pour nous rendre à Radinghem. Le Q.G. du bataillon était installé dans un minuscule blockhaus à moitié en ruines et déjà occupé par des télégraphistes. Les compagnies étaient dans des tranchées et des abris autour. Après avoir passé là quelques pénibles heures très froides, nous partîmes à deux heures de matin en direction de Lille et passâmes devant le Château de Flandre puis un petit groupe de maisons le long de la rue de Lille qui formaient un lieu-dit au nom très ironique : « Fin de la guerre ».

Dominic Devas (déjà cité)

Dans le joli village de Rexpoëde, la large rue principale avait la douce atmosphère d’un dimanche après-midi dans un bourg anglais. Sur les toits des camions et des automobiles, des soldats regardaient le match de football et acclamaient les joueurs. Des officiers déambulaient et discutaient avec des hommes du rang qui ne prenaient pas la peine de sortir les mains de leurs poches. L’équipe belge nous battit à plates coutures et quand l’arbitre siffla un pénalty, leur capitaine se contenta de mettre le ballon en touche.

Oswald Davis Le témoignage d’Oswald Davis, Triumph on the Western Front, diary of a despatch rider 1915-19, nous emmène dans les tous les secteurs du front. Au guidon d’une moto Triumph, Davis avait pour mission d’acheminer des messages sur de longues distances.

Corvée de carottes au Q.G. de Rexpoëde

Nous étions heureux de retrouver notre ancien cantonnement à Richebourg, où nous avons mangé comme des gorets avant d’enlever notre uniforme, nos bottes et nos bandes molletières. Certains d’entre nous se sont déshabillés complètement. Nous nous sommes ensuite affalés sur le foin d’une grange spacieuse. Ayant quasiment disparu dans le fourrage comme des loirs, nous nous sommes mis à ronfler avec grande satisfaction. Je suis presque désolé d’évoquer notre réveil, qui a été similaire à tant d’autres à ce stade de la guerre. Nous n’étions qu’à cinq kilomètres des Allemands, et ceux-ci nous envoyèrent l’habituelle salve d’obus.

John Lucy Publie There’s a Devil in the Drum en 1938. Les récits des soldats du Corps Expéditionnaire ayant participé à la guerre de mouvement d’août-octobre 1914 sont en effet assez rares. Les mémoires de combattants irlandais sont également peu nombreux. Engagé dans l’armée en 1912 en même temps que son frère, John Lucy participe aux premières batailles de la guerre : Mons, Le Cateau, la Marne, l’Aisne (ou cours de laquelle son frère est tué), Neuve-Chapelle et Ypres.

[12 avril 1918] Le district de Robecq se distinguait par ses fermes riches en bétail mais comme la population civile avait fui, quantité de vaches qui n’étaient plus traites, d’oies, de chèvres, de poules et autres créatures agricoles se mirent à errer dans les champs et sur les routes. Le Q.G. du bataillon, installé dans une grande ferme du lieu-dit des Amusoires, était devenu le rendez-vous d’un troupeau de vaches beuglantes, auquel s’ajoutaient des cochons, des chèvres, des poules et plusieurs armées d’oies. 

Geoffrey Rose (déjà cité)

Bien que notre charge de travail fût lourde, la vie dans ces villages fut agréable. Il y a, à n’en pas douter, de nombreux survivants qui se rappelleront Roclincourt et le camp d’Écurie au cours de l’été 1917. Ceux d’entre vous qui connaissent le secteur se souviendront d’Essex Walk – la piste en caillebottis – d’Ouse Alley, de Tired Alley et d’Oppy Switch. C’est le long de ces sentiers que nous regagnions l’arrière après nos corvées nocturnes, à deux, trois ou quatre heure du matin. Nous râlions, bien sûr, après avoir sué comme des boeufs. Nous devions partir avant l’aube, en empruntant Ouse Alley, un boyau sécurisé qui à un moment donné longeait un réservoir où nous pouvions faire une petite halte.

Chris Knight Arrivé en France en 1916 au sein du 2e Dragoons Guards, Chris Knight se bat sur plusieurs secteurs avant d’être fait prisonnier au cours de la bataille de Cambrai en novembre 1917. Son  témoignage a été publié dans Everyman at War (1930), une anthologie regroupant des témoignages qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une publication.

Roclincourt

A Roncq, j’ai bavardé pendant une heure avec une jolie fille aux yeux bruns et à la peau douce et pâle. Elle s’exprimait en allemand. Je lui ai demandé si la maîtresse de maison pouvait chauffer les saucisses en boîte que nous avions achetées à la cantine.

Elle m’a raconté que les Allemands qui avaient occupé Roncq étaient dans l’ensemble courtois. Cependant, pendant qu’elle était seule dans la maison avec sa sœur, l’un d’entre eux, âgé de 45 ans, lui avait demandé de dormir avec lui. Elle avait refusé et l’avait menacé avant de le frapper avec un verre.

Oswald Davis (déjà cité)

Quand la dernière compagnie quitta Roquetoire, elle fut suivie par un fox terrier qui nous avait pris en affection. Il fut baptisé « Jack » jusqu’à la fin des hostilités. Par bien des aspects, il était devenu l’un des soldats du régiment, partageant avec nous les bons comme les mauvais moments avec une parfaite équanimité. Il ne nous fit honte qu’une seule fois quand il se fourvoya dans les pattes du cheval sur lequel trônait le général Fulton.

Extrait de New-Zealand Engineers during the Great War  

Nous nous installâmes dans un village appelé Rubempré. Je pus disposer d’un cantonnement propre près d’une mare malodorante où venaient s’abreuver les vaches. Autour de nous, le paysage était bien différent de celui que nous avions connu plus au nord. De vastes étendues dégagées, des vagues de collines, et çà et là des bois verts, qui ensemble formaient un paysage très agréable.

Frederick Scott (1861-1944) (déjà cité)

La maison où nous logions était occupée par une très vieille paysanne et une toute petite fille, belle comme une image. La vieille femme semblait malade, triste et très seule. Un soir où nous buvions dans sa cuisine du café noir arrosé de cognac, je l’ai persuadée de me raconter son histoire. J’ai bien peur que lui demandant ce récit j’ai fait preuve de cruauté. Son histoire était malheureusement semblable à toutes celles que j’ai entendues par ici. Il faut dire que la France a beaucoup souffert.

Robert Derby Holmes Cet Américain décide en 1916 de s’engager dans l’armée britannique. Blessé au cours de la bataille de la Somme, il est rapatrié et écrit A Yankee in the Trenches à destination du public américain au moment où son pays entre en guerre aux côtés des Alliés.

Nos cantonnements à Saint-Hilaire furent dûment approuvés par l’ensemble de la troupe. Les foyers des villageois exilés furent occupés par nos soldats, qui profitèrent des surprenantes réserves de pommes de terre, de carottes et de navets que les Allemand avaient stockées dans les caves. Ces dernières avaient été creusées selon les règles de l’art et abritaient de considérables stocks que l’ennemi n’avait pu emporter avec lui. Tous les soirs, nous profitions de bons petits plats qui mijotaient sur les poêles français : des soupes de légumes, agrémentés de bully-beef, et occasionnellement un civet de lapin.

Stephen Graham  (1884-1975) Journaliste, auteur de récits de voyage et romancier, Stephen Graham a écrit deux ouvrages sur la Grande Guerre :  A Private in the Guards (1919) et The Challenge of the Dead (1921). Il s’engage dans les Scots Guards en septembre 1917 et participe à la dernière année de guerre en France et en Belgique. En 1921, il revient sur les champs de bataille et ne peut cacher son amertume face aux villes en ruines et à la faculté qu’a l’être humain d’oublier. Par la suite, il mènera une vie de globe-trotter, avec notamment de longs séjours aux Etats-Unis et en Yougoslavie, qui donneront lieu à des récits de voyage.

Les Bedfords arrivèrent à Saint-Jans-Cappel, un charmant petit village à quelques kilomètres de Locre. Nous étions hébergés dans la maison du curé (M. de Vos), qui avait l’avantage d’être très bien tenue. Le curé, qui aimait les plaisirs de ce monde, amenait chaque matin son imposante carcasse à la table où nous prenions notre café et ne dédaignait pas faire de temps en temps la connaissance d’une rasade de rhum ou de whisky britannique, sauf le vendredi.

Edward Gleichen (déjà cité)

Autour de Saint-Momelin, on trouve de grandes prairies et des forêts où des groupes de prisonniers allemands abattent des arbres pour nos tranchées. Ils sont surveillés par des tommies mais la nuit passée l’un d’entre eux a malgré tout réussi à s’échapper.

John Henry Turnbull (1883-1954) Australien. Arrivé en France en juin 1916, il repart en Australie en janvier 1919 après avoir servi en qualité de chauffeur pour la 5e colonne divisionnaire de munitions.

La cathédrale de Saint-Omer est un bel édifice qui possède de curieuses dalles dans les chapelles latérales, dont je n’ai vu l’équivalent nulle part ailleurs. Les messes attiraient de nombreux fidèles, principalement des femmes. Un soir, aux vêpres, elles chantèrent un « Ora pro nobis » d’une beauté ensorcelante. Je ne suis pas assez musicien pour savoir pourquoi je déteste les hymnes anglais, mais le fait est que je ne les aime pas. Devant moi se tenait un petit soldat irlandais, qui suivait le service, ce dont j’étais incapable, et je me suis demandé s’il pensait alors à sa petite paroisse du Connaught, à l’ouest de son île natale.

Wilmot Herringham (1855-1936) Ce médecin anglais fut l’un des premiers à étudier  l’effet du gaz sur les combattants et à trouver des soins appropriés. Entre 1914 et 1918, il fut médecin consultant en France auprès du Corps Royal de Médecine Militaire et atteignit à la fin de la guerre le rang de Major-général. Il a publié ses mémoires de guerre en 1919 sous le titre A Physician in France.

Saint-Valery-sur-Somme est une charmante petite ville située à l’embouchure d’une rivière. Le service de presse allié y occupait un joli château entouré d’un très beau jardin. Quand la situation sur le front était calme, on y organisait des soirées musicales, au cours desquelles le capitaine Douglas chantait de sa plus belle voix tandis que le capitaine Hollande faisait l’imbécile avec un naturel confondant.

William Orpen (1878-1931) Peintre irlandais, portraitiste en vue dans les milieux aisés, William Orpen devient officiellement artiste de guerre en France. Après l’Armistice, il est nommé peintre officiel de la conférence de Versailles. Très critique vis-à-vis des chefs d’État, il peint en 1923 un tableau qui créera polémique : To the Unknown Soldier in France. Le cercueil du soldat inconnu est flanqué non de généraux et de dirigeants mais de « putti » et de spectres de soldats émergeant des tranchées avec pour fond le splendide décor de la Galerie des Glaces.

Vers la fin de son séjour à Sainte-Marie-Cappel, le 2nd bataillon organisa un tournoi auquel il invita le maire et tous les habitants de la commune. L’invitation se fit par le biais d’une affiche placardée sur le porche de l’église et tout le village répondit présent à l’appel. Nous leur offrîmes des gâteaux et du thé et tout le monde y trouva son compte.

William Cunningham (1883-1959) Comme de nombreux officiers d’état-major, William Cunningham se prêta à l’exercice de la rédaction de l’histoire officielle de son régiment, en l’occurrence le régiment néo-zélandais de Wellington.

Cette période de repos et d’entraînement à Staple connut un temps exceptionnellement beau et toute la troupe put récupérer des rigueurs de l’hiver. Un programme complet de remise en forme, basé sur les sports que les soldats appréciaient, fut mis en oeuvre pour renforcer leur vigueur physique et leur esprit combattif, tout en stimulant leur agilité, aussi bien mentale que physique. L’objectif final étant qu’ils retrouvent leur vitalité, qui avait été forcément mise à mal pendant leur longue période de présence dans les tranchées.

Hugh Stewart (1884-1934) Cet Écossais s’installe en 1909 en Nouvelle-Zélande pour enseigner les lettres classiques. Il s’engage en 1914 dans le Corps Expéditionnaire Néo-Zélandais et devient lieutenant dans le bataillon de Canterbury. Promu colonel à la fin de la guerre, multi-décoré, il entreprend l’écrire l’histoire de la Division néo-zélandaise sur la demande du gouvernement : The New Zealand Division 1916–1919: a popular history.

[Janvier 1919] Le programme de chaque journée était ainsi composé : 2 heures 30 d’exercices militaires et 1 heure d’entraînement physique. L’après-midi était dévolue au sport : rugby, football, cross, tir à la corde et basketball. Des cours étaient également dispensés aux soldats souhaitant parfaire leur éducation : instruction civique, mathématique, sténographie, français et comptabilité. Ceux qui n’avaient pas été scolarisés, ou très peu,  recevaient des cours de base en anglais (lecture, écriture et initiation à la rédaction) ainsi que des notions d’arithmétique.

Journal régimentaire des Royal Irish Rifles

Je vis à Valenciennes une maison qui faisait honneur aussi bien à la parole de l’Evangile qu’à la nation canadienne : « J’étais malade et vous m’avez visité ; j’étais en prison et vous êtes venu vers moi. » C’était là qu’une cantine avait été installée pour donner un bol de soupe aux réfugiés qui traversaient la ville. De la foule de gens qui regagnaient leur ancienne habitation, d’où les Allemands les avaient délogés, vingt-cinq pour cent sont morts d’épuisement.

Moore, Mary (1871-1960) Journaliste canadienne.

Le village de Vermelles offrait un merveilleux spectacle, qui me faisait penser à Hampstead Heath le dimanche, bien que je n’eusse jamais mis les pieds à cet endroit : des soldats à foison, des chevaux, des chariots, tout le monde semblait s’y être donné rendez-vous. Des généraux et leur suite regardaient au loin avec des jumelles, des blessés refluaient, mais d’autres qui, je le crains, n’étaient pas blessés, couraient dans la même direction, de nouvelles troupes arrivaient et de temps à autre un obus tombait au milieu de la fourmilière. L’image de Hampstead Heath ne formait plus alors qu’un évanescent décor de fond : des cadavres de chevaux jonchaient la route et la scène devenait vraiment grisante.

Evelyn Ronald Moncrieff Fryer (1888-1967) Cet  officier originaire d’un milieu aisé a laissé des mémoires (Reminiscences of a grenadier, 1921) dont le style reflète une éducation dans les meilleures écoles. Il a connu toutes les grandes batailles de la guerre.

Nous sommes restés dix jours à Verquin, dans d’agréables logements où nous ne manquions de rien. Quelques officiers eurent la chance d’être invités pour des parties de tennis au château, ici et à Fouquières, et sont redevables de la généreuse hospitalité des charmantes hôtesses. Ils avaient un peu l’impression d’être au pays quand ils jouaient des doubles mixtes avant de passer la soirée à écouter de la musique au salon. Les hommes du rang passèrent également d’agréables heures dans les masures de mineurs de Verquin et autres villages miniers. Nous étions comme chez nous dans cette partie de la France, que nous avions fini par connaître par coeur. Les mineurs français nous ont toujours bien accueillis. Nulle part ailleurs, la population n’a fait preuve d’autant de prévenance à notre égard. De plus, nous pouvions assister aux spectacles de la troupe appelée Les Whizz-Bangs, qui avait retrouvé le meilleur de sa forme et parvenait à nous faire oublier la guerre.

William Weetman  Né en 1885, le capitaine William Weetman a écrit l’histoire des  Sherwood Foresters pendant la Grande Guerre.

4 août 1917. De la pluie, encore de la pluie, toujours de la pluie. Le pays se transforme en un gigantesque marécage et les récoltes s’aplatissent au sol. Le soleil a percé une seule fois aujourd’hui et une heure plus tard il pleuvait à seaux.

Herbert Mallyon (1894-1917) Ambulancier australien

16 décembre  A Wavrans, nous fûmes cantonnés dans une vieille grange décrépite. Nous avons dû nous contenter pour la journée d’un quart de miche de pain, une demi-boîte de bully-beef et deux rasades de thé sans lait et sans sucre. Nous avons investi une réserve secrète de pommes de terre et un poulailler. Butin : un demi-sac et trois volailles. Le bouillon fut excellent mais les volailles étaient si anciennes qu’elles avaient peut-être connu l’expédition maritime de Noé. Plumer et vider la nuit une volaille dans un pré sous une tempête de neige est une expérience unique en son genre. Le souper fut excellent pour plus de vingt d’entre nous. Nous n’avions aucun remords. Un homme affamé qui a marché plus de vingt kilomètres avec près d’un demi-quintal sur le dos n’a plus de conscience.

Ernest Ward, combattant australien

Hôpital général australien n°2

Comme Étretat et La Panne, Wimereux était autrefois une pittoresque station balnéaire avec des hôtels, des restaurants et de jolies villas où les riches prenaient du bon temps. Aujourd’hui, c’est un territoire britannique et on n’y entend plus gère parler le français. Les rues sont remplies de tommies et de demoiselles britanniques venues soigner les blessés ou apporter une aide alimentaire. A cette époque, La France comptait environ 10 000 d’entre elles sur son territoire. Curieusement, les Français pensaient que cette importation massive de femmes avait pour but d’empêcher les tommies d’épouser des étrangères et de préserver ainsi la race anglo-saxonne.

Isabel Anderson (1876-1948) Héritière d’une des familles les plus fortunées de Boston, Isabel Anderson mène avant guerre une existence luxueuse et publie des récits de ses nombreux voyages. Quand le conflit éclate, elle dirige les activités de la Croix-Rouge pour la ville de Washington avant de se rendre en France et en Belgique pour y apporter son aide humanitaire. Elle relate cette expérience dans un ouvrage intitulé Zizagging (1918).

Le jour de Noël fut passé à Ypres. Une des églises du boulevard Malou fut décorée et une table y fut dressée. Après le repas, auquel nous fîmes tous honneur sans nous faire prier, notre commandant monta en chaire et nous délivra quelques sentences bien senties. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le repas a été nettement plus apprécié par la troupe que le discours qui l’a suivi.

Enos Roberts En 1922, le capitaine Enos Roberts fut chargé d’écrire l’histoire du 9e bataillon du régiment King’s Liverpool.

Le cours pour les signaleurs était donné dans un grand camp installé sur toute la surface d’un pré, avec sur une extrémité une maison rouge, laide et lugubre. Les jours s’écoulèrent sans incident, le ciel était la plupart du temps calme et dégagé. La sensation d’apathie et d’indifférence par rapport à la guerre prenait la forme de cigarettes que nous fumions avec langueur et d’airs de music-hall que nous sifflions nonchalamment. Pourtant à quelques kilomètres se dressait la colline de commandement de Cassel, qui nous rappelait que la bataille d’Ypres exerçait son empire sur toute la région.

Edmund Blunden (déjà cité)


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