Herbert Read (1893-1968)

Tout au long de sa vie, Herbert Read a défendu la cause anarchiste. Son journal de guerre dénonce le nationalisme des belligérants, qui a sacrifié des millions d’hommes.

Le point de vue anarchiste

Né à Kirby Moorside, dans le Yorkshire, Herbert Read passe les dix premières années de sa vie dans la ferme de ses parents, avant d’être placé dans un orphelinat à Halifax suite à la mort de son père. A l’âge de seize ans, il devient employé de banque à Leeds. Grâce aux cours du soir, il peut entrer à l’université de cette même ville et y étudie de 1911 à 1914.  Il découvre l’anarchisme en lisant un texte d’Edward Carpenter intitulé Non-Governmental Society, publié en 1911. Séduit par ce courant de pensée, Herbert Read ne cessera sa vie durant de le promouvoir.

Son premier recueil de poèmes, Songs of chaos (1915), se réclame des imagistes sans toutefois être caractéristique du mouvement. Read se porte volontaire pour servir dans l’infanterie en 1915 et se bat en France et en Belgique jusqu’en 1918. Promu capitaine en 1917, il est plusieurs fois décoré. Pendant la guerre, il fonde avec Frank Rutter la revue anticonformiste Art and Letters qui inclut dans ses pages des auteurs tels que Wyndham Lewis et T.S. Eliot. En 1919, il publie un recueil de poésie de guerre : Naked Warriors tout en travaillant pour le Trésor Public, à Londres. En 1922, il obtient un poste au musée Victoria et Albert, où il s’occupe des céramiques et des vitraux. Il y restera dix ans, période pendant laquelle il écrira entre autres deux livres autobiographiques sur son expérience de combattant : In Retreat (1925) et Ambush (1930).

Très actif dans le milieu littéraire et artistique londonien, il côtoie des écrivains et des peintres, écrit des articles pour des revues, publie des anthologies et organise des expositions d’art moderne. Ayant soutenu le surréalisme dès le début du mouvement, il a toujours promu les avant-gardes et a notamment contribué à faire connaître l’œuvre du sculpteur Henry Moore. Son premier ouvrage de critique littéraire, Reason and romanticism (1926), traite d’un sujet qui dominera toute sa carrière : la lutte entre la raison antiromantique et la nécessité de faire prévaloir les émotions.

Au début des années 30, il entame une carrière d’enseignant et intervient notamment dans les universités d’Édimbourg, de Liverpool, d’Harvard et du Massachussetts. Les publications se suivent à un rythme soutenu : recueils de poésie, essais littéraires, un roman et un grand nombre de monographies sur l’art, la littérature et la politique. Il reste toutefois un poète sous-estimé, certains critiques considérant que sa poésie est trop inaccessible. Yeats l’a pourtant inclus dans l’Oxford Book of Modern Verse de 1933, avec un long poème intitulé The End of the War.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il adopte une attitude plus ou moins pacifiste en épousant l’idéologie de la guerre du peuple, qui consiste à promouvoir une révolution prolétarienne, prônée entre autres par Evelyn Waugh. Après la guerre, il fonde, avec  Roland Penrose et Eduardo Paolozzi, l’Institut des Arts Contemporains, qui cherche à abolir les frontières entre les différentes disciplines.

En 1953, Herbert Read est fait chevalier pour son œuvre et son action en faveur de l’art moderne. Cette distinction provoque un tollé dans le milieu anarchiste, qui ne comprend pas pourquoi il l’a acceptée et se considère ridiculisé par cet adoubement. Il essaie de se justifier, en déclarant qu’ilest parfaitement possible, et même normal, de vivre une vie de contradictions, mais le mal est fait. Cet épisode ne l’empêchera pas pour autant de rester fidèle jusqu’au bout à la cause anarchiste, pour laquelle il a écrit plusieurs ouvrages de propagande.

Les deux extraits qui suivent sont tirés de son journal de guerre. Herbert Read y laisse libre cours à son écœurement et à sa colère. Le point de vue est anarchiste. On peut y voir aussi les contradictions propres à tout combattant qui envisage à un moment donné de se retirer du jeu.

[Extraits du journal de guerre d’Herbert Read]


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