Edward Thomas (1878-1917)

Aujourd’hui considérée comme majeure, l’oeuvre poétique d’Edward Thomas n’a pas toujours été reconnue à sa juste valeur. Il s’engage à 36 ans et meurt à Arras le 9 avril 1917.

La tradition du bucolisme anglais

L’autobiographie d’Edward Thomas, restée inachevée, nous révèle un enfant aux manières brutales et conscient de sa supériorité de classe, traits typiques de l’éducation virile que reçoivent les garçons de la bourgeoisie victorienne. Né à Londres dans une famille galloise, il montre très tôt de l’intérêt pour les questions politiques et sociales, ce qui le pousse à se démarquer du conservatisme bourgeois de ses parents. Il se lie d’amitié avec l’écrivain Richard Jefferies et se passionne pour la poésie. C’est à cette époque qu’il commence à se créer une « campagne imaginaire », où il pourra régulièrement s’échapper tout au long de sa vie. En 1899, il épouse Helen Noble alors qu’il est encore étudiant à Oxford, fait rare à l’époque, et décide de vivre de sa plume. Le couple aura trois enfants, deux filles et un garçon nés en 1900, 1902 et 1910.

Entre 1898 et 1910, Edward Thomas écrit de nombreux articles et essais, côtoie d’autres jeunes auteurs, notamment les poètes georgiens, et essaie de se faire un nom. Mais sa carrière littéraire ne décolle pas pour autant. Il quitte alors Londres et emménage à la campagne, espérant trouver dans la proximité de la nature une atmosphère propice à la création. Son épouse lui apporte un soutien permanent et le pousse à persévérer. Edward Thomas devient le protecteur de l’écrivain W.H. Davies et lui loue un petit cottage près de chez lui. Davies y écrit The Autobiography of a Super-tramp, ouvrage relatant ses années de vagabondage aux États-Unis qui établira sa réputation.

C’est dans les années 1910-1914 que la carrière littéraire d’Edward Thomas prend son essor, avec la publication de biographies de R. Jefferies et de G. Brown, ainsi que de livres sur la campagne anglaise (The South Country et In Pursuit of Spring). Si ces années sont les plus heureuses de sa vie, il est néanmoins en proie à des accès de mélancolie, qui le poussent à errer seul la nuit sur les routes de campagne. Malgré le fait qu’il vénère la poésie et fasse partie du cercle des poètes georgiens, Edward Thomas n’a pas publié de poème avant 1914. C’est Robert Frost qui l’incite à écrire de la poésie, considérant que sa prose porte déjà en elle de grandes qualités poétiques. Dès lors, il ne cesse d’écrire sous cette forme. Ses sources d’inspiration sont classiques – sa femme, ses enfants, les paysages anglais, les oiseaux –  mais l’approche ne manque pas d’originalité. Si la guerre n’est jamais le sujet principal, elle apparaît néanmoins au détour de plus d’un poème. Quand il sera arrivé sur le front, il n’écrira plus un seul vers. De nombreux anthologistes se trompent donc quand ils émettent l’hypothèse que son bucolisme est une thérapie face à la violence des combats, à l’instar de Gurney ou de Ledwidge.

Comme il a 36 ans au moment de la déclaration de guerre, il est trop âgé pour être enrôlé. De plus, la fièvre patriotique qui sévit au début du conflit ne l’enthousiasme pas vraiment. Malgré ses réticences, il finira malgré tout par s’engager dans les Artists’ Rifles en juillet 1915. Cantonné pendant un an et demi en Angleterre, il devient instructeur cartographe et goûte à l’étrange beauté des noms de villages anglais, qu’il insère dans ses poèmes pour leurs sonorités évocatrices.

En janvier 1917, il débarque sous la neige au Havre.et rejoint Doullens. Dès son arrivée au front, il rédige un journal de bord et écrit de nombreuses lettres. Sa principale fonction au sein de son unité est de trouver des cantonnements pour les soldats et d’inspecter les postes d’observation mais il est également secrétaire du mess. Posté ensuite à Arras, il tombe sous le charme de la ville mais trouve la vie militaire monotone. Le 9 avril 1917, il est tué à son poste d’observation. Son corps est enterré dans le cimetière d’Agny, près d’Arras.

Après la guerre, Helen se remet difficilement de la mort de son mari. Comme beaucoup d’autres veuves de guerre, elle vit un deuil long et douloureux. Soucieuse d’honorer la mémoire d’Edward, elle s’emploie à faire connaître son œuvre. Les Œuvres Complètes d’Edward Thomas sont publiées en 1920, avec une introduction où Walter de la Mare fait l’éloge de ses talents de poète. Helen écrira également deux œuvres autobiographiques où il sera beaucoup question de son mari. Edward Marsh ne l’inclut dans sa seconde anthologie de poésie georgienne. Il refusait de publier un auteur à titre posthume pour éviter que les parents de soldats tués essaient de faire de son anthologie un mémorial pour leurs « fils poètes morts au combat ». La véritable reconnaissance ne viendra que plus tard. Au fil du temps, la poésie d’Edward Thomas sera de plus en plus appréciée par les nouvelles générations.

Quand en 1990 son nom est gravé à côté de quinze autres poètes de la Grande Guerre sur une plaque du Coin des Poètes de l’abbaye de Westminster, sa fille Myfanwy déclare que son père aurait été « surpris mais comblé » par cet hommage. L’œuvre poétique d’Edward Thomas est en pleine réévaluation. Nombreux sont les auteurs et les critiques actuels qui la considèrent comme une des plus importantes de la poésie britannique du XXe siècle.

TOMMIES 14-18

Fièrement propulsé par WordPress