
Quand la guerre éclate, Corder Catchpool rejoint un service ambulancier quaker. Fidèle à sa confession, qui prône le pacifisme, il devient objecteur de conscience quand la Grande-Bretagne instaure la conscription et purgera une peine de prison. En 1919, il part à Berlin pour venir en aide à la population allemande. |
Objecteur de conscience
Né à Leicester dans une famille de Quakers, Corder Catchpool se destine à une carrière d’ingénieur quand éclate la guerre. De 1914 à 1916, il se porte volontaire dans les services sanitaires et part au front au sein de l’Unité Ambulancière des Amis, structure quaker placée sous la juridiction de la Croix-Rouge. Corder Catchpool reçoit l’étoile de Mons, distinction militaire accordée aux combattants du Corps Expéditionnaire de 1914 ainsi qu’au personnel soignant du début de la guerre. Mais quand la Grande-Bretagne instaure la conscription en janvier 1916, il rejoint les rangs des objecteurs de conscience absolutistes. Il passe en cour martiale et purge une peine de prison. Il définit l’absolutiste comme une personne qui est horrifiée par le péché que représente la guerre et qui lutte contre elle.
Après sa libération, en 1919, il intègre une organisation quaker basée à Berlin qui vient en aide à la population allemande. En 1933, Corder, sa femme et d’autres Quakers de Berlin, défient le pouvoir nazi en continuant à se rendre dans des magasins juifs. Il est arrêté et interrogé par la Gestapo, ce qui ne l’empêche pas par la suite de continuer à rendre visite aux familles de prisonniers juifs et de les aider à émigrer.
Les Catchpool reviennent en Grande-Bretagne en 1936. Quand la guerre éclate, Corder soutient les objecteurs de conscience et se porte volontaire pour travailler dans un hôpital. En 1942, il crée avec Vera Brittain le Comité de Restriction de Bombardement pour demander aux Alliés comme aux forces de l’Axe de renoncer aux bombardements de masse, qui tuent des milliers de civils. En 1946, les Catchpool repartent à Berlin dans le cadre d’une mission humanitaire. Il meut en Suisse, dans un accident d’alpinisme, en 1952.
On two fronts : letters of a conscientious objector, publié en 1919, est un ouvrage où Corder Catchpool relate son expérience au front et en prison.
L’extrait qui suit est un texte écrit par Catchpool quand il était en prison. Il fait partie d’une anthologie d’écrits de prisonniers de conscience intitulée Conscience be my guide, publiée par Geoffrey Bould en 2005.
Extrait :
L’extrait qui suit est un texte écrit par Catchpool quand il était en prison. Il fait partie d’une anthologie d’écrits de prisonniers de conscience intitulée Conscience be my guide, publiée par Geoffrey Bould en 2005.
L’ABSOLUTISTE ET LA CARMÉLITE
Je me souviens avec émotion du jour où je me suis arrêté dans un village bombardé pour prendre une religieuse dans mon ambulance. Je l’ai conduite à l’Abeele, un petit village où elle serait en sécurité. Elle appartenait à un ordre très strict, celui des carmélites, qui vit à l’écart du monde. Je l’ai un peu taquinée sur son manque de veine : se retrouver dans l’obligation de parler à un homme, ce qui était strictement interdit par sa congrégation. Elle m’a solennellement assuré que cet interdit était levé si les circonstances de la guerre l’exigeaient. (…) Je lui ai exposé mon idéal : une vie heureuse au service des autres. « Oui, a-t-elle répondu. C’est ce qu’il y a de mieux pour la plupart d’entre nous mais certains sont appelés à servir en priant tout au long de leur vie pour les péchés du monde. » Je la revois me sourire en me parlant des onze années qu’elle avait passées au couvent dans des conditions plus sévères encore que celles dans lesquelles je vis depuis mon incarcération. Si à l’époque je ne la comprenais qu’à moitié, je dois admettre qu’aujourd’hui je sens avec elle une parfaite communauté d’âme. L’absolutiste est un homme pour qui le péché de la guerre est si monstrueux qu’il doit essayer d’en délivrer le monde. Il s’adonne à cette mission corps et âme, s’épuise dans un combat qui lui semble perdu d’avance, et ne cède pas à la tentation d’un service alternatif – qui serait pourtant utile et intéressant mais qui reste futile à ses yeux. Comme toute opposition effective à la guerre conduit inévitablement l’objecteur à la prison, celui-ci devient une sorte de carmélite. C’est pour le moment la seule façon pour lui de lutter. L’isolement n’est pas ce qu’il a choisi, loin de là, mais sa solitude est sanctifiée par le fait qu’il estime contribuer à libérer le monde de la guerre et qu’il cherche à rendre la vie plus douce pour tous ceux qui survivront. C’est une mission pour laquelle il est prêt à prendre tous les risques et dont le but est précisément, je crois, semblable à celui du « soldat consciencieux ». Je dois aujourd’hui purger une longue peine de prison mais j’ai pour m’aider le souvenir d’une femme, son appel à l’aventure spirituelle et l’exemple d’une vie entière consacrée à la prière dans le but de sauver le monde du péché.
J’ai aujourd’hui passé autant de temps en prison qu’au front, c’est-à-dire dix-neuf mois. Je souhaiterais que le gouvernement puisse trouver la sagesse de me libérer, ne serait-ce que pour respecter le principe de la symétrie !