
Bénévole de la Y.M.C.A., Betty Stevenson accompagne les visiteurs venus de Grande-Bretagne ou apporte du ravitaillement aux troupes et aux réfugiés. Victime d’un bombardement, elle est enterrée au cimetière militaire d’Etaples. |
Victime d’un bombardement à Etaples en mai 1918
Les parents de Bertha Stevenson étaient membres actifs de la Y.M.C.A. Impliquée dans ce mouvement chrétien dès son plus jeune âge, la jeune Betty suit une de ses tantes à Paris en janvier 1916 pour l’aider à gérer un foyer de la Y.M.C.A., bien qu’elle n’ait pas encore l’âge minimum requis pour accomplir un travail bénévole en France. L’organisation a créé dès le début de la guerre un corps féminin d’auxiliaires, qui quatre ans plus tard aura accueilli 40 000 membres dans ses rangs, la plupart issues des classes aisées. Une fois son contrat terminé, Betty revient en Angleterre mais n’a qu’une envie : repartir en France.
En avril 1917, elle est postée à Etaples, où sa mission consiste principalement à apporter des vivres aux troupes ou à transporter les civils britanniques qui débarquent en France : conférenciers militaires, artistes et familles venues rendre visite à leurs blessés. Elle écrit de nombreuses lettres à ses parents, où elle se montre très enthousiaste et s’amuse du regard étonné de la population française, qui a rarement vu une femme derrière un volant. Quand la situation militaire se dégrade au printemps 1918, elle prend ses quartiers à Paris-plage mais très vite elle se porte volontaire pour revenir chaque soir à Etaples avec de la nourriture à destination des nombreux réfugiés qui affluent dans le secteur. C’est au cours d’une de ces missions qu’elle est victime d’un bombardement aérien, le 30 mai 1918. Elle venait de fêter ses 21 ans.
A ses funérailles, les honneurs militaires lui sont rendus et on lui décerne la Croix de guerre avec palme. Sur sa tombe du cimetière d’Etaples, on peut lire : « The Happy Warrior » en guise d’épitaphe.
Avril 1917
Ma chère maman,
Je n’ai pas encore mon automobile parce qu’elle est bloquée sur les docks et que le mécanicien est tombé malade à Paris. Mais j’ai pu accompagner Joyce qui conduit un camion, ce qui m’a familiarisée avec les lieux.
Je crains que mes lettres te sembleront ternes mais je ne suis pas autorisée à tout te dire. Je pourrai tout te raconter de vive voix quand je reviendrai. Même si je n’ai pas encore commencé à conduire, je me plais beaucoup ici. Tout est si différent. J’espère qu’à mon retour je n’aurai pas perdu mes bonnes manières.
Chaque endroit de la région a été baptisé de nouveaux noms par les soldats. C’est ainsi que nous sommes tombés sur un panneau où avait été gribouillé Canada Park. Miss Burleigh et moi avions traversé une pinède sableuse et étions tombés sur ce que nous croyions être un précipice. En nous approchant du bord, nous avons découvert que la pente descendait vers un immense espace couvert d’herbe. Mais celle-ci était à peine visible tant il y avait de soldats réunis à cet endroit. Au milieu de la foule kaki, une surface dégagée faisait office de terrain de football. Nous nous sommes frayé un chemin à travers le rassemblement d’Australiens et de Néo-Zélandais qui célébraient leur fête nationale, l’Anzac Day. Une tente de la Y.M.C.A. avait été installée pour la journée avec boisson et nourriture gratuites. Jouxtant Canada Park s’étalait le cimetière avec ses interminables rangées de petites croix brunes. On y enterrait au rythme de quarante corps par jour. Au cours de l’après-midi, la sonnerie aux morts a retenti à trois reprises. Je n’oublierai jamais le spectacle de tous ces soldats qui s’arrêtaient tout à coup de faire la fête et se levaient en silence pendant que sonnait le clairon. L’instant d’après, ils s’asseyaient à nouveau et reprenaient bruyamment leurs agapes. Un immense convoi de la Croix-Rouge a longé le camp à la vitesse d’un escargot. Il en arrive tous les jours.
J’ai assisté au match opposant les Australiens aux Néo-Zélandais. Je n’avais jamais rien vu de tel. Ils se sont battus à mort. A la fin de la rencontre, ils gisaient tous sur l’herbe mais je te rassure ils ont tous bien récupéré.

Après avoir bu un thé dans une des huttes, j’ai assisté à un concert donné par des Australiens. Leur colonel a ensuite prononcé un discours et c’était très émouvant. Il a remercié ses soldats et a évoqué la fête de l’Anzac deux ans auparavant. J’ai failli pleurer. Ils avaient tous connu tant de combats ! Le colonel avait un très gros rhume mais c’était un bien brave homme, si différent des Anglais. Il s’adressait à ses hommes comme s’ils étaient ses égaux et quand un clairon a retenti pendant son discours, il s’est retourné vers le « fauteur de trouble » et lui a simplement dit : « La ferme ! »