Bernard Trotter (1890-1917)

Chantre des paysages de sa province canadienne, Bernard Trotter continue de les célébrer dans l’enfer d’Ypres.

Un poète canadien enterré à Mazingarbe

Né en 1890, Bernard Freeman Trotter est le fils du Révérend Thomas Trotter, professeur à l’université de Toronto. Quand il a cinq ans, son père est nommé président de l’université de Wolfville, dans l’État de la Nouvelle-Écosse. Le jeune Bernard tombe sous le charme des paysages enchanteurs de cette province canadienne et écrit des poèmes pour lui rendre hommage. En 1907, il entre à l’université de Toronto mais son médecin lui conseille un séjour en Californie en raison de sa santé fragile.

En Californie, Bernard Trotter découvre une nature différente et un autre style de vie. Pendant trois ans, il donne des cours privés à des élèves fortunés, se repose et jouit du climat propice de la vallée de Montecito, entre les monts Santa Ynez et les rivages du Pacifique, où il s’adonne régulièrement aux plaisirs de l’équitation. Régénéré par cette parenthèse américaine, qui restera pour lui une période de bonheur intense, il revient étudier la littérature à Toronto. Toujours féru de poésie, il édite un mensuel universitaire et parvient à faire publier quelques poèmes dans des revues.

Pendant cinq ans, il passe toutes ses vacances sur les bords de la rivière Maganatawan, dans le nord de l’Ontario, et y bâtit une cabane, où il réside, le plus souvent avec sa famille, de mai à octobre. Ces séjours lui permettent de se ressourcer et de vivre à l’unisson de la nature, une nécessité tout au long de sa courte vie.

Quand la guerre éclate en Europe, Bernard Trotter décide de se porter volontaire. Il rejoint le corps de formation des officiers canadiens tout en terminant sa licence, qu’il obtient en mai 1915. Il doit cependant patienter pour obtenir une affectation dans les forces canadiennes, la faiblesse de sa constitution n’incitant pas les autorités à l’enrôler. Après s’être inscrit en maîtrise de lettres, il est finalement accepté dans les rangs du contingent canadien et embarque pour l’Europe en mars 1916. Logé à l’université d’Oxford, il obtient son brevet d’officier et rejoint le régiment du Leicester, comté où est né son père et où vivent encore des membres de sa famille. Il arrive en France à la fin de l’année 1916, affecté au génie. Sa mission consiste principalement à consolider les tranchées. Il est ensuite versé dans les transports. Ses lettres témoignent d’un certain enthousiasme, toutefois tempéré par les conditions extrêmes de la vie au front.

Si Bernard Trotter n’a pas beaucoup de temps à consacrer à l’écriture, il y pense cependant en permanence. Dans une de ses lettres, il écrit : Mon environnement actuel ne me permet pas vraiment d’étudier ou d’écrire de la poésie mais il me procure régulièrement de brèves sensations poétiques qui, si l’opportunité m’est donnée de m’y consacrer, ne seront peut-être pas perdues. Il parvient malgré tout à écrire quelques poèmes qui montrent un talent singulier.

  Le sept mai 1917, il est tué suite à une explosion d’obus. Son corps est enterré au cimetière militaire de Mazingarbe. Sur la croix de bois, ses camarades officiers ont fait inscrire : Sa jeune carrière fut brève, courageuse et glorieuse.

  Bernard Trotter est parfois appelé le Rupert Brooke canadien. La formulation est pour le moins hâtive. Aussi bien du point de vue de leur parcours militaire et que de leur production poétique, les deux hommes diffèrent beaucoup.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *