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Combattants ou contemporains ayant écrit sur la guerre :

Agatha Christie

Edith Elizabeth Appleton / Martin Armstrong / Elizabeth Ashe / Gertrude Atherton / Paul Bewsher / Edith Cavell / Agatha Christie / Arthur Conan Doyle / Isabel Emslie-Hutton / Elsie Fenwick / E.M. Forster / Llewelyn Wyn Griffith / F.W. Harvey / Dyneley Hussey / Aldous Huxley / Frances Ivens / Rudyard Kipling / D.H. Lawrence / Joseph Lee / Cecil Lewis / Clive Staples Lewis / Maud McCarthy / Esther Lovejoy / Somerset Maugham / Lady Millicent / Alan Alexander Milne / Robert Palmer / J.B. Priestley / Edgell Rickword / Saki / Edward Shanks / May Sinclair / Freya Stark / Geoffrey Studdert Kennedy / J.R.R. Tolkien / Alec Waugh  / H.G. Wells / Ialo Aneurin Williams

Infirmière de formation, Elizabeth Appleton rejoint les Services hospitaliers militaires de la reine Alexandra en septembre 1914 et arrive à Ostende en octobre. De 1914 à 1919, elle sert dans les hôpitaux d’évacuation de Poperinge, Bailleul et Achiet-le-grand, ainsi que dans les hôpitaux de la base à Étretat, Abbeville, Le Tréport et Boulogne. Pendant toute cette période, elle rédige un journal, qui sera mis en ligne dans les années 2000, avant d’être publié en 2012 sous le titreA Nurse at the Front: The Great War Diaries of Sister Edith Appleton. Ce journal nous permet de suivre le quotidien d’une infirmière britannique en France pendant près de cinq ans. Ces expériences sanitaires dans des établissements hospitaliers, situés aussi bien à proximité du front qu’à l’arrière, nous donnent une vue diversifiée de la réalité hospitalière britannique de la guerre.

  Après l’Armistice, Elizabeth Appleton se fixe sur l’île de Wight. En 1926, à l’âge de 49 ans, elle épouse le lieutenant John Bonsor Ledger.

 

Auteur d’une trentaine de livres et collaborateur au Spectator, au London Mercury et au New Stateman, Martin Donisthorpe Armstrong est un écrivain aujourd’hui un peu oublié. Né à Newcastle dans une famille prospère, il rejoint les Artists’ Rifles en tant que simple soldat en 1914, avant de devenir officier dans le 8e Middlesex. Il publie ses poèmes de guerre en 1921 : Buzzards and Other Poems. Le poème Going Up the Line évoque la nature au printemps à l’arrière du front. Ce thème majeur de la littérature de témoignage est traité ici de façon classique, avec une simplicité qui atteint son but. Après s’être ressourcé à la vue des arbres en fleurs, des prés et des paysans dans les champs, le combattant retrouve le chemin des ruines et de la mort… l’âme riche d’un pouvoir capable d’étouffer tous les maux et les terreurs. Que ce soit dans les journaux de bord, les mémoires ou les poèmes, les mentions régulières d’une nature régénératrice nous disent l’importance des éléments naturels dans l’expérience combattante.

Elizabeth Ashe avec une infirmière et un bébé, près de Paris

Avant 1914, Elizabeth Ashe avait créé plusieurs centres médicaux en Californie pour venir en aide aux femmes et enfants qui avaient besoin de soins. Dès que la guerre éclate, elle souhaite se rendre en France et postule en octobre 1914 pour rejoindre la Croix-Rouge américaine mais elle n’est pas acceptée. Quand les États-Unis entrent en guerre, elle réitère sa demande  mais elle a cette fois dépassé l’âge prescrit. Elle trouve finalement un poste à l’hôpital de l’Université de Californie puis prend la tête d’une unité pédiatrique, qui sera envoyée en France, où elle arrive en août 1917. Dans Intimate Letters from France, elle relate ses différents voyages en France pour inspecter des établissements et coordonner le travail sanitaire en direction des enfants, notamment des orphelins.

 

Auteure d’une oeuvre abondante, essentiellement romanesque, Gertrude Atherton est envoyée en Europe par le New York Times pour couvrir la guerre. En France, elle est bénévole au sein de l’organisation Le Bien-être du blessé – Société Franco-Américaine pour nos Combattants. Elle relate cette expérience dans Life in the War Zone. Deux romans, The Living Present (1917) et The White Morning (1918) traiteront également de l’Europe en guerre. Dans The Living Present, elle met notamment en scène des femmes allemandes qui se révoltent contre le kaiser.

 

Journaliste avant la guerre, Paul Bewscher rejoint le Royal Naval Air Service, où il devient capitaine. Il est l’un des membres fondateurs d’une unité expérimentale de bombardement nocturne. Ses missions consistent entre autres à bombarder des villes situées en arrière du front. Ses poèmes montrent les doutes qu’il a sur la nécessité de cette tâche. Il a publié deux recueils de poèmes de guerre et des mémoires : Green Balls, The Adventures of a Night-Bomber (1919). Après l’Armistice, il travaille au Daily Mail.

 

Exécutée le 12 octobre 1915 par les Allemands pour avoir aidé des centaines de soldats alliés à s’évader pendant les premiers mois de la guerre, Edith Cavell est devenue un symbole qui a magnifié l’image de l’infirmière de guerre.

  Edith Cavell obtient son diplôme d’institutrice en 1884. En 1890, elle entre au service d’une famille bruxelloise en qualité de gouvernante. Cinq ans plus tard, elle revient en Angleterre pour soigner son père malade et suit une formation d’infirmière. En 1907, elle repart à Bruxelles pour occuper le poste d’infirmière-en-chef à l’institut Berkendael d’Ixelles, puis devenir directrice d’une école d’infirmières dans cette même ville.

  Edith Cavell est en Angleterre quand elle apprend que les Allemands ont pénétré sur le sol belge. Elle repart immédiatement à Bruxelles et y soigne les blessés des combats, alliés ou allemands. Parallèlement à son activité d’infirmière, elle travaille pour les services secrets britanniques, le MI6. Elle aide des soldats alliés à quitter la Belgique occupée pour gagner les Pays-Bas. Le réseau auquel elle appartient a des connexions avec celui de la lilloise Louise de Bettignies, qui sera arrêtée en octobre 1915 et mourra en 1918 dans une prison allemande. L’arrestation d’Edith Cavell a lieu quant à elle en juin 1915.

  Incarcérée à la prison de Saint-Gilles, Edith Cavell reconnaît les faits qui lui sont reprochés. Malgré les protestations internationales, elle est fusillée le 12 octobre. Le poète Gottfried Benn, qui a assisté au procès et à l’exécution, laissera un récit des faits.

  Edith Cavell devient un martyr dont l’image héroïque sera abondamment utilisée par la propagande alliée pour inciter les États-Unis à entrer dans la guerre.

  Après la guerre, son corps est exhumé et rapatrié en Grande-Bretagne au cours d’une cérémonie présidée par le roi George V.

 

Agatha Christie, novelist. Copyright: Robbie Holp

Agatha Miller a 23 ans en août 1914. Son fiancé, Archibald Christie, rejoint le Royal Flying Corps dès les premières semaines de guerre. Ils se marient la veille de Noël 1914 mais ne pourront vivre véritablement en couple que lorsqu’Archibald sera posté au War Office en janvier 1918. Agatha, qui possède un Certificat de Premiers Soins, devient infirmière bénévole à l’hôtel de ville de Torquay, converti en hôpital. Sans enfants et avec un mari au front, elle peut se consacrer pleinement à sa mission sanitaire. La tâche est particulièrement exigeante. De par sa situation privilégiée au bord de la mer et la douceur de son climat, la ville de Torquay accueille un nombre sans cesse croissant de blessés.

  Au bout d’un an, une grippe oblige Agatha Christie à se reposer pendant quelques semaines. Ne souhaitant plus travailler à l’hôpital, elle obtient une nouvelle assignation au dispensaire qui vient d’être créé en annexe de l’établissement hospitalier. C’est là qu’elle conçoit pour la première fois d’écrire des romans policiers. La préparation des médications pour les blessés la familiarise avec les poisons et drogues dont elle fera usage dans ses romans. La naissance d’Hercule Poirot est également liée à la guerre. Le personnage s’inspire en effet des nombreux réfugiés belges que la ville de Torquay avait accueillis dès les premières semaines du conflit.

 

Le créateur de Sherlock Holmes a 55 ans en 1914. Ayant largement dépassé l’âge limite pour être incorporé dans l’armée, il se porte toutefois volontaire. J’ai cinquante-cinq ans mais je suis encore fort et endurant. Je suis capable de porter loin ma voix, ce qui peut être utile à l’exercice, écrit-il au ministère de la guerre, arguant que s’il devenait officier à son âge ce serait un exemple pour toute la nation. Son offre sera refusée mais pendant quatre ans il s’impliquera sans compter dans l’effort de guerre. Sa première mission est d’organiser une unité de défense composée de civils au sein du 6th Royal Sussex Volunteer Regiment. On lui propose de prendre le commandement du bataillon mais il préfère être simple soldat pour montrer que tous les Britanniques sont égaux dans la défense de leur pays.

  Conan Doyle n’hésite pas à donner son avis sur la conduite de la guerre et à faire des propositions à l’Amirauté. Il propose notamment que les marins soient équipés d’une bouée de sauvetage et qu’il y ait des canots à bord des navires, mesures qui seront adoptées par la suite.

  Conan Doyle se lance dans l’écriture d’une histoire de la campagne britannique en France et en Belgique. Cette œuvre imposante, qui comptera six volumes, n’est pas toujours fiable car l’auteur se base le plus souvent sur des informations militaires manquant d’objectivité. Les ventes de ces volumes ne seront toutefois pas très élevées. Pendant la guerre, le public préfère lire la presse pour avoir des nouvelles récentes. Après l’Armistice, quand paraîtront les derniers volumes, il n’est plus intéressé par le récit d’opérations militaires.

  Conan Doyle a perdu son fils Kingsley en octobre 1918. Celui-ci avait blessé au cou le 1er juillet 1916, au cours de l’offensive de la Somme. Il avait récupéré de cette blessure pour finalement mourir de l’épidémie de grippe espagnole à l’automne 1918. Deux mois plus tard, Innes, le frère de Conan Doyle, est également victime de cette épidémie. A ces deux morts s’ajoute celle de son beau-frère, Malcolm Leckie, tué à Mons au début de la guerre. Marqué par ces décès, Doyle se tourne vers le spiritisme pour communiquer avec les morts. Commence dès lors la célèbre période spiritiste de l’auteur de Sherlock Holmes. Intéressé par le spiritisme depuis de longues années, c’est à partir de 1918 qu’il s’y adonne véritablement. Pendant les années 20, il se lance avec son épouse dans une campagne de promotion de cette doctrine, aussi bien en Grande-Bretagne qu’en Australie et aux États-Unis. Le public est réceptif. Le désir de communiquer avec les morts a été une réalité forte au lendemain de la guerre et a donné naissance à un marché florissant de l’occulte.

 

Née à Edimbourg, Isabel Emslie devient médecin en 1912 et se spécialise en psychiatrie. Après avoir été refusée par l’armée britannique, laquelle s’interdit d’engager des médecins femmes, elle rejoint l’organisation Scottish Women’s Hospital for Foreign Service dirigée par Elsie Inglis et part pour la France, où elle occupe le poste de médecin-major dans un camp de l’armée française près de Troyes. En novembre 1915, elle quitte ce poste pour aller travailler dans un hôpital en Serbie. Obligée de se replier sur Salonique au bout de quelques semaines, elle soigne les blessés en Grèce jusqu’en octobre 1918, date à laquelle elle repart en Serbie, à Vranja, jusqu’en octobre 1919. Sa mission consiste alors à aider les équipes hospitalières locales à implanter de nouvelles structures, les hôpitaux écossais étant appelés à fermer. En juin 1920, elle se rend en Crimée pour prendre en charge un hôpital à Sébastopol, mais la progression de l’armée bolchévique l’oblige à évacuer et à se replier sur Constantinople, où elle vient en aide aux réfugiés russes.

  Pendant la Seconde Guerre mondiale, Isabel Emslie dirige les services sociaux de la Croix-Rouge en Inde, où son mari, le général Thomas Hutton, est posté.

 

Fille de banquier et petite-fille du vicomte Barrington, Elsie Robarts épouse Guy Fenwick en 1895. Elle commence son service à l’hôpital de l’Océan à La Panne comme simple bénévole et devient en 1917 infirmière-en-chef d’un pavillon de 80 patients. Pendant les six derniers mois de la guerre, elle travaille dans des hôpitaux basés à Amiens et à Dunkerque. Son journal d’infirmière est édité en 1980 : Elsie Fenwick in Flanders : The diaries of a nurse 1915-1918. Il relate un quotidien fait de contrastes saisissants. Tout comme d’autres infirmières britanniques d’origine noble opérant dans le secteur côtier belge, Elsie Fenwick participe aux réceptions mondaines dans les villas balnéaires où se côtoient princes russes, membres de la famille royale belge et officiers britanniques de haut rang mais le lendemain elle est à pied d’oeuvre pour affronter la réalité sanglante des unités de soins.

 

Quand la guerre est déclarée, Edward Morgan Forster a déjà écrit la plupart de ses grands romans, Retour à Howards End, Chambre avec vue et Maurice, ce dernier n’étant publié qu’en 1971. Comme ses amis du groupe de Bloomsbury, il est opposé à la guerre mais se garde de le clamer haut et fort. En fait, sa position vis-à-vis de la guerre évoluera petit à petit et l’amènera à s’impliquer personnellement.

  En novembre 1915, il part en Égypte dans le cadre d’une mission pour la Croix-Rouge. Celle-ci consiste à rendre visite aux blessés dans les hôpitaux et à les interroger sur leurs camarades portés disparus. Cette activité de recherche de renseignements lui donne l’occasion d’aider les blessés de différentes manières. Il leur prête des livres ou écrit leurs lettres. Prévu pour durer un trimestre, son séjour égyptien se poursuivra jusqu’en 1919.

 

Auteur d’un livre de mémoires de guerre devenu un des classiques du genre, Up to Mametz, Wyn Griffith est un romancier, poète et traducteur qui s’est donné pour mission tout au long de sa vie de faire connaître la culture du Pays de Galles.

  En septembre 1914, il quitte son poste de fonctionnaire pour s’enrôler dans les Royal Welsh Fusiliers. Promu sous-lieutenant en janvier 1915, il obtient le grade de capitaine en décembre de cette même année. Combattant en France et en Belgique tout au long de la guerre, il a été décoré de l’Ordre de l’Empire Britannique et de la Croix de Guerre française.

  Up to Mametz, publié en 1931, retrace la création du Royal Welsh Fusiliers et relate l’entraînement des troupes, l’apprentissage de la tranchée, et finalement la terrible bataille du bois de Mametz. Un livre complémentaire, intitulé Up to Mametz and beyond, a été publié en 2010. Sur la base des lettres et du journal de bord inédit de l’auteur, cet ouvrage raconte la suite du parcours de guerre de Wyn Griffith.

  Démobilisé en 1919, Wyn Griffith retrouve son poste d’inspecteur des impôts, qu’il occupera jusqu’à sa retraite tout en menant parallèlement une carrière littéraire.

 

Après avoir récemment entamé une carrière d’avocat, F.W. Harvey s’engage le 8 août 1914 dans le régiment du Gloucestershire. Adepte du distributisme, doctrine catholique s’opposant à la fois au capitalisme et au communisme, il se convertit au catholicisme en novembre.

  Son bataillon arrive en France en mars 1915. Il est promu caporal et reçoit la Médaille de Distinction au Combat en août pour avoir fait preuve de bravoure au cours d’une patrouille dans le no man’s land. Dès son arrivée au front, il contribue au journal de tranchée The Fifth Gloucester Gazette et écrit des poèmes. Le recueil A Gloucester Lad at Home and Abroad est publié en 1916.

  Après une période de formation en Angleterre pour devenir officier, il repart en France, où il est fait prisonnier au cours d’une patrouille d’observation, en août 1917. Il passera le reste de la guerre dans différents camps de prisonniers en Allemagne. En captivité, il écrit régulièrement et réussit à envoyer ses poèmes en Angleterre. Le recueil Gloucestershire Friends paraît en 1917 et connaît un grand succès. Après une période en cellule d’isolement pour tentative d’évasion, il entame une nouvelle série de poèmes, qui sera publiée en 1919 (Ducks). Le titre du poème donnant son nom au recueil est inspiré d’un camarade prisonnier qui avait dessiné à la craie au-dessus de son lit des canards nageant sur une mare.

  En 1920, il publie ses mémoires de guerre : Comrades in Captivity et l’année suivante Farewell, qui comme le laisse entendre le titre annonce son adieu à la scène littéraire. Il reprend ensuite ses activités d’avocat au service des pauvres.

  Dyneley Hussey est né en Inde, où était posté son père, le colonel Charles Hussey. Après des études au Corpus Christi College d’Oxford, il se bat en France, avec le grade de lieutenant, dans le 13e bataillon des Lancashire Fusiliers. Il publie un recueil de poèmes de guerre en 1916 : Fleurs de Lys, Poems of 1915.

  Après avoir passé cinq ans au département des finances de l’Amirauté, il devient écrivain et journaliste en 1923. Critique musical au Times de 1923 à 1946, il tient ensuite une chronique de musique classique à la B.B.C. Spécialisé dans l’opéra, il a écrit des ouvrages sur les grands compositeurs, notamment Mozart et Verdi.

Le combat pacifiste de l’auteur du Meilleur des Mondes pendant les années 30 et sa non participation à la Grande Guerre laissent a priori penser qu’il était résolument contre la guerre et ce dès le mois d’août 1914. Son attitude a cependant été un peu plus nuancée.  Selon Ronald Clarke, biographe d’Aldous Huxley et de son frère Julian, il aurait essayé à trois reprises de s’engager.  Ses tentatives étaient cependant vouées à l’échec, sa vue très basse lui interdisant tout espoir d’être accepté par un centre de recrutement. La perte de plusieurs amis au combat l’affecte profondément et son attitude devient de plus en plus virulente vis-à-vis de la guerre.  En 1916, Il se rapproche d’Ottoline Morrell, propriétaire du Manoir Garsington, où se réunissent régulièrement les membres du groupe de Bloomsbury. Huxley côtoie alors des intellectuels tels que Bertand Russell et D.H. Lawrence et autres objecteurs de conscience notoires. Le mouvement de l’objection de conscience, conséquence de la loi sur le service militaire obligatoire en janvier 1916, n’a pas été anecdotique en Grande-Bretagne. On recense 16 000 objecteurs de conscience britanniques pendant la guerre. Si le chiffre est extrêmement bas comparé au nombre de soldats ayant combattu, il n’en reste pas moins que l’impact sur l’opinion publique et le gouvernement n’a pas été négligeable.

 

Frances Ivens entre à la faculté de médecine pour femmes de Londres en 1894. Devenue médecin en 1900, elle obtient son diplôme de chirurgie en 1903. Après avoir travaillé dans des services de gynécologie à Dublin et Vienne, elle dirige le département de gynécologie d’un hôpital de Liverpool. Sympathisante du mouvement des suffragettes, elle milite pour le droit des femmes à exercer les plus hautes fonctions médicales.

  En 1914, Elsie Inglis et la Croix-Rouge française lui demandent de venir diriger une équipe médicale à l’abbaye de Royaumont. A la fin de la guerre, plus de 10 000 patients auront été soignés par le personnel exclusivement féminin – et écossais – de cet hôpital auxiliaire.     

  Frances Ivens devient une spécialiste du traitement de la gangrène gazeuse et publie des articles sur le sujet. Au printemps 1917, l’armée française lui demande de diriger un hôpital d’évacuation près du front. Elle s’acquittera de cette tâche jusqu’au 27 mai 1918, date à laquelle l’avancée allemande l’oblige à évacuer les blessés.

  Décorée de la légion d’honneur et de la croix de guerre, elle réintègre son service hospitalier à Liverpool, donne des cours à la faculté de médecine et se marie en 1930, à l’âge de 60 ans.

 

John Kipling

Figure littéraire incontournable du début du XXe siècle, l’auteur du Livre de la Jungle reste toutefois une personnalité controversée. Celui que George Orwell appelait le prophète de l’impérialisme britannique fut le chantre incontesté des vertus patriotiques et militaires dont se réclamait la jeune génération d’étudiants qui s’est portée volontaire en 1914. Il serait hasardeux de résumer en quelques lignes l’impact qu’a eu Kipling sur cette génération, les regards rétrospectifs étant encombrés des désastres de la Somme et de Passchendaele. Il convient toutefois de dire qu’il a été déterminant.

  En 1914, Rudyard Kipling rejoint le Bureau de Propagande de Guerre et publie en 1915 La France en guerre. Pour écrire ce livre, il se rend sur le front. La plume toujours aussi sûre, il continue d’exalter la nation britannique et l’Empire. Mais son fils unique, John, est refusé par les centres de recrutement en raison de sa forte myopie. Rudyard Kipling ne peut accepter ce genre de déconvenue. Il intervient auprès des autorités militaires pour que son fils soit enrôlé. Les Irish Guards finissent par l’accepter. Mais John est tué au cours de son premier assaut pendant la bataille de Loos. Son corps ne sera jamais retrouvé. Profondément affecté, Kipling écrira un poème dont deux vers sont passés à la postérité : Si quelqu’un veut savoir pourquoi nous sommes morts, / Dites-leur : parce que nos pères ont menti. Ces mots expriment-ils une culpabilité personnelle ? On peut le supposer. Mais au-delà de la douleur d’un père, il ne semble pas y avoir de remise en question idéologique. Le mensonge dont parle Kipling a souvent été mal interprété. Loin d’être une dénonciation de la guerre, ces vers  critiquent le supposé laxisme qui a affaibli la Grande-Bretagne avant 1914.

  Le fait que John soit porté disparu et n’ait pas sépulture pousse Rudyard Kipling à s’impliquer dans la Commission Impériale des Sépultures de Guerre qu’a créée Fabian Ware. C’est lui qui choisira le texte de plusieurs inscriptions présentes dans tous les cimetières militaires britanniques. Le nom de son fils sera quant à lui gravé sur le mémorial britannique de Loos. Jusqu’à sa mort, en 1936, Rudyard Kipling procédera à des recherches dans le secteur pour retrouver sa dépouille. Ce n’est qu’en 1991 que, grâce à une série de recoupements dans les archives, notamment celles des Irish Guards, que des historiens ont pu identifier la tombe du lieutenant John Kipling. Il repose dans le cimetière Sainte-Marie de Haisnes-lez-la-Bassée (Lopin 7, rangée D, tombe 2). A l’emplacement de l’ancienne inscription  (Officier non identifié des Irish Guards), on a inscrit Lieutenant John Kipling, des Irish Guards, tué le 27 septembre 1915, à l’âge de 18 ans. Mais certains historiens contestent aujourd’hui le travail de recherche qui a été effectué.

 

Après avoir publié son roman autobiographique Amants et fils en 1913, D.H. Lawrence épouse Frieda von Richthofen, de nationalité allemande. Le couple s’installe à Zennor, en Cornouailles, à proximité de la nouvelliste Katherine Mansfield et de son mari.

  Quand la guerre éclate, les autorités militaires soupçonnent Frieda von Richthofen d’être une espionne. Les voisins du couple prétendent qu’elle se sert du linge qui sèche sur les fils pour envoyer des messages codés aux sous-marins allemands. Comme en France, l’espionnite sévit en Grande-Bretagne au début de la guerre, avec tout ce que cela implique comme accusations non fondées. Obligé de quitter la côte, le couple est hébergé chez différents amis, notamment Philipp et Ottoline Morrell, dont le manoir (Garsington Manor) est un refuge pour les objecteurs de conscience. Les intellectuels du groupe de Bloomsbury s’y retrouvent régulièrement.

  Peu après sa publication en 1915, L’Arc-en-ciel est interdit en raison de son caractère jugé obscène. La décision repose notamment sur une scène lesbienne. Un des contempteurs du livre estime que le roman « trahit les soldats qui se battent sur le front. » Après le vote de la conscription, D.H. Lawrence est appelé par deux fois à se présenter dans un centre de recrutement mais il n’est pas intégré aux forces combattantes pour raison de santé. Farouchement opposé à la guerre, il considère celle-ci comme une émanation du monde industriel qui dénature l’homme.

  Si D.H. Lawrence a peu écrit sur la guerre, une partie de son oeuvre traite toutefois des répercussions du conflit. Son dernier livre, L’Amant de Lady Chatterley, interdit en Grande-Bretagne jusqu’en 1960, parle à sa façon des conséquences de la Grande Guerre. Clifford Chatterlay est revenu du front paralysé et impuissant. Parmi les lésions qu’ont entraînées les blessures au combat, l’impuissance est rarement citée dans les mémoires de guerre. Elle a pourtant touché un nombre non négligeable de combattants.

  La publication en 2013 de la poésie complète de D.H. Lawrence a permis de poser un nouveau regard sur ses poèmes de guerre. 31 d’entre eux, regroupés en une séquence appelée All of Us, n’avaient jamais été publiés dans leur intégralité. A l’époque, ils avaient été fortement censurés. L’auteur y dénonce ouvertement l’impérialisme britannique et la conduite de la guerre.

 

Né à Dundee, en Écosse, Joseph Johnston Lee commence à travailler à l’âge de 14 ans. Après avoir été employé chez un notaire, il devient soutier sur un paquebot. Par la suite, il réalisera des dessins satiriques pour les journaux. En 1909, il crée un mensuel qui soutient le parti travailliste à Dundee. Il publie son premier recueil de poésie en 1910.

  Bien qu’ayant presque 40 ans quand la guerre éclate, il s’enrôle dans le 4e bataillon des Black Watch, où il sera promu sergent. Pendant qu’il se bat en France, il envoie régulièrement des poèmes et des dessins en Écosse, lesquels seront réunis dans deux recueils : Ballads of Battle et Work-a-Day Warriors. En 1917, il devient sous-lieutenant dans le 10e bataillon du King’s Royal Rifle Corps. Cette même année, il est fait prisonnier. Son séjour dans les camps de prisonniers en Allemagne lui inspirera A Captive in Carlsruhe (1920).

  Les poèmes de Joseph Lee ont connu un vif succès lors de leur parution pendant la guerre mais ont par la suite été relégués au second plan.

 

Cecil Lewis rejoint le Royal Flying Corps en 1915 à l’âge de 17 ans. Comme un nombre non négligeable de combattants, il a menti sur son âge pour pouvoir être incorporé. Il apprend à piloter à Brooklands, dans le Surrey, avant de partir en France en 1916. Il décroche la Médaille Militaire pour ses actions en vol au cours de la bataille de la Somme. De retour en Angleterre, il participe au programme de défense intérieure avant de repartir en France à la fin 1918.

  Après la guerre, il part en Chine pour y développer la liaison aérienne entre Pékin et Shanghai. C’est pendant ce séjour qu’il épouse la fille d’un général russe, Douchka Horvath (1902-2005). En 1922, il fait partie du groupe de cinq jeunes gens qui fonde la B.B.C. et entame une carrière radiophonique. Ami de George Bernard Shaw, il adapte son Pygmalion pour le cinéma.

  En 1936, il écrit ses mémoires de pilote de combat sous le titre Sagittarius Rising. Le livre devient un classique de la littérature d’aviation et servira de base au film Aces High de Jack Gold (1976). Les talents d’écriture de Lewis sont indéniables. Son récit allie le souci documentaire à une prose de qualité.

  Pendant la Seconde Guerre mondiale, Cecil Lewis rejoint la R.A.F. et combat en Sicile, en Grèce, en Égypte et en Italie. En 1947, toujours aussi soucieux de diversifier ses activités, il reprend une ferme en Afrique du Sud. En 1956, il devient reporter pour le Daily Mail puis s’installe à Corfou, où il continuera d’écrire jusqu’à sa mort en 1997. Il était alors le dernier survivant des aviateurs britanniques de la Grande Guerre.

En 1916, le célèbre auteur des Chroniques de Narnia réussit son examen d’entrée à Oxford. Mais le directeur du College qu’il compte intégrer lui fait remarquer que tous les admissibles ont rejoint les rangs de l’armée britannique. Né à Belfast, Lewis n’était pas concerné par la conscription instaurée depuis quelques mois, mais l’idée de ne pas faire son devoir ne l’a pas effleuré.

  Il rejoint un bataillon de cadets, où il se fait des amis parmi un groupe d’étudiants. Il devient sous-officier dans une unité de l’infanterie légère de Somerville. Il arrive au front en novembre 1917, dans un secteur plutôt calme, où la principale tâche consiste à pomper l’eau des tranchées inondées. En janvier 1918 commence la série maudite, que plus d’un combattant a connue : la mort des camarades, mois après mois, comme une fatalité contre laquelle on ne peut pas lutter.

  En mars 1918, le Somerset Light Infantry essaie de contenir l’offensive allemande à Riez-du-Vinage. Un obus explose à proximité de Lewis. Touché, il perd conscience à côté d’un sergent qui a été tué par le même obus. Emmené par deux brancardiers à l’hôpital d’évacuation, il est ensuite transféré dans un hôpital à Bristol, où il récupère lentement de ses blessures, avant d’être assigné à la caserne d’Andover jusqu’à la fin du conflit.

  Le fait que C.S. Lewis n’a quasiment rien écrit sur la guerre et qu’il n’en parlait presque jamais intrigue les spécialistes de son œuvre. Rares sont en effet les auteurs qui ont tu leur expérience de combattant. Un poème du recueil Spirits of Bondage (1919), intitulé French nocturne (Monchy-le-Preux), fait toutefois exception. Il se termine par un vers particulièrement puissant : Nos gorges aboient au carnage : ne peuvent pas chanter.

Emma Maud McCarthy a été l’infirmière-major en charge de l’ensemble des infirmières professionnelles ou bénévoles britanniques sur le front occidental de 1914 à 1919. Née en Australie, où elle poursuit des études universitaires, elle arrive en Angleterre en 1891 et suit une formation d’infirmière. Devenue infirmière-en-chef, elle est envoyée en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers. De 1903 à 1910, elle travaille dans différents hôpitaux militaires avant de devenir la responsable des services de soins du ministère de la guerre.

  Maud McCarthy débarque en France le 12 août 1914 avec les premiers soldats du Corps Expéditionnaire Britannique et installe son bureau à Abbeville. A l’heure où sonne l’Armistice, elle a plus de 6000 personnes sous sa responsabilité.

  Tout comme les officiers tenus de rédiger un journal de bord pour leur unité, Maud McCarthy écrit chaque jour le compte rendu de ses actions. Son journal de guerre, conservé aux Archives Nationales et disponible en ligne, fait plus de 3400 pages et couvre la période allant du 12 août 1914 au 31 mars 1920. Il s’agit d’un document d’un intérêt historique considérable, qui permet d’appréhender l’ensemble de la réalité hospitalière britannique.

  Pendant cinq ans, Maud McCarthy se rend à de nombreuses reprises dans tous les grands hôpitaux côtiers et les hôpitaux d’évacuation situés plus près du front pour les inspecter et résoudre les différents problèmes administratifs, de personnel ou autres, inhérents à ce genre de structure. A titre d’exemple, elle visite les 29 et 30 janvier 1915 les unités de soins d’Hazebrouck, de Bailleul, de Merville et de Lillers. En 1918 et 1919, sa mission l’amènera également en Belgique et en Allemagne.

 Le journal officiel de Maud McCarthy relate l’évolution des soins, le quotidien des infirmières et les conditions dans lesquelles elles travaillent. Si la forme est celle d’un journal de bord factuel sans prétention littéraire, il s’agit aussi d’un document unique en son genre.

Diplômée de la faculté de médecine de l’Oregon, Esther Lovejoy est nommée en 1907 inspectrice de la santé pour la ville de Portland. En plus de son travail pour l’amélioration de la santé publique, elle s’implique dans le mouvement pour le droit de vote des femmes.

  De septembre 1917 à février 1918, Esther Lovejoy se rend en France pour évaluer les besoins sanitaires des femmes et des enfants dans les régions dévastées. Elle constate que la guerre a entraîné des maladies et appauvri les populations, sans parler des cas de viols. Elle découvre également que les femmes sont capables de dépasser les divisions sociales et nationales pour entreprendre des actions collectives. De retour aux États-Unis, elle publie des articles, rédige des rapports et tient des conférences sur le sujet. Elle publie également un livre, The House of the Good Neighbor, pour rendre compte de son expérience en France. Comme beaucoup d’autres Américaines, la Grande Guerre  a été pour elle un tournant dans la lutte féministe.

  En 1919, elle participe à la création de l’Association Internationale des Femmes Médecins, dont elle devient présidente. Par la suite, elle publie plusieurs livres sur le corps médical féminin.

A la déclaration de la guerre, Somerset Maugham a 40 ans et n’a pas la taille réglementaire pour être incorporé dans l’armée. Soucieux de participer à l’effort de guerre, il se tourne vers la Croix-Rouge et sert dans une ambulance rattachée à l’armée française. Ce n’est pas le seul écrivain à faire ce choix. Les Américains Ernest Hemingway, Dashiell Hammet, John Dos Passos et Julien Green, ainsi que les Britanniques A.J. Cronin et Hugh Walpole, ont également été ambulanciers. Le collègue ambulancier de Somerset Maugham est également écrivain : Desmond MacCarthy. Somerset Maugham puisera dans son expérience sanitaire pour écrire son célèbre roman Le fil du rasoir, qui sera adapté deux fois au cinéma. Après une période au États-Unis, où il publie Servitude Humaine, un de ses chefs d’œuvre, il est contacté en 1916 par les services secrets britanniques pour devenir agent au MI6. A Genève puis à Petrograd, sa mission consiste à manœuvrer pour empêcher la révolution russe. De son expérience d’agent secret, il tirera un livre, Ashenden, que beaucoup considèrent fondateur dans la littérature d’espionnage du XXe siècle.

Dès les premiers jours de la guerre, les comtesses, duchesses et autres ladies de l’aristocratie britannique ont voulu apporter leur contribution à la cause, attirées pour la plupart par les possibilités d’aventure qu’offraient la France et la Belgique en guerre. Le cas de la duchesse de Sutherland est typique de cette période enflammée. Pressée d’en être, la dame veut rejoindre Le Secours aux Blessés mais l’organisation française n’accepte pas les étrangers. Elle se tourne alors vers le Service de Santé de l’Armée Belge et se retrouve coincée en territoire occupé par l’ennemi. Après quelques semaines de péripéties dignes d’un roman d’espionnage, elle crée l’Ambulance Millicent Sutherland puis établit sa structure hospitalière près de Calais. Celle-ci fonctionnera tout au long de la guerre et constituera un complément appréciable aux hôpitaux de l’armée. En 1918, elle s’occupera également d’un hôpital à Roubaix. Elle a publié le récit de  son périple d’août et septembre 1914 dès 1915 sous le titre Six Weeks at the War. Cet ouvrage nous plonge dans l’atmosphère fébrile des premières semaines de la guerre et constitue à cet égard un document d’un grand intérêt historique.

  Personnage haut en couleurs, Millicent Sutherland a brillé dans les milieux aristocratiques de l’époque edwardienne, se distinguant notamment par ses préoccupations sociales. Elle s’est par la suite forgé une réputation, justifiée, de philanthrope de par son action sanitaire en France de 1914 à 1918. En 1925, elle divorce de son troisième mari et s’installe en France. Au début de la Seconde Guerre mondiale, elle est arrêtée par les Allemands près d’Angers. Elle parvient à s’échapper et rejoint les États-Unis. Lady Millicent meurt à Orriule, près de Sauveterre-de-Béarn, le 20 août 1955.

Assistant de rédaction à Punch de 1906 à 1914, Alan Alexander Milne devait connaître le succès avec ses livres pour enfants. Créateur de Winnie-the-Pooh (Winnie l’ourson) en 1924, il a également écrit des romans, des scénarios pour le cinéma et de nombreuses pièces de théâtre. Malheureusement, l’énorme succès de Winnie l’ourson a éclipsé le reste de son œuvre. Milne en a beaucoup souffert. Catalogué « créateur de Winnie », il a vu les lecteurs, voire les éditeurs, se désintéresser de ses autres écrits.

  Pendant la Grande Guerre, Milne est d’abord officier dans le régiment du Royal Warwickshire puis rejoint le corps royal des signaleurs suite à une maladie qui a diminué ses capacités physiques. Il est ensuite recruté par les services secrets et intègre le MI7B, un bureau spécialisé dans la propagande. Il n’est pas le seul écrivain de renom à avoir prêté sa plume à la propagande. Ford Madox Ford, John Buchan, H.G. Wells et Arthur Conan Dole ont également travaillé pour le MI7B. L’objectif était entre autres de convaincre les Américains de s’impliquer dans le conflit. Les atrocités allemandes, véhiculées principalement par les réfugiés belges, ont notamment été amplifiées et largement diffusées pour inciter les jeunes Britanniques à se porter volontaires. Milne déteste ce travail de propagande et devient pacifiste. En 1934, il écrit Peace with Honour, où il fait l’apologie du pacifisme, puisant dans son expérience de guerre pour justifier sa position. Il considérait ce livre comme un des plus importants de sa carrière.

  Il est à noter que le personnage de Winnie l’Ourson n’est pas sans rapport avec la guerre. L’ours en peluche du jeune Christopher, le fils de Milne, avait été baptisé Winnie, du nom d’un ours brun canadien qui avait été utilisé comme mascotte militaire pendant la guerre.

 

Second fils du comte de Selborne, Robert Palmer étudie à Oxford, où il décroche régulièrement la première place aux examens. Très croyant, il est président de la University Church Union. Après ses études, il voyage beaucoup, écrit des poèmes, un livre sur l’Inde et des pamphlets politiques. Il entre au barreau en 1913. Ses pairs lui prédisent une brillante carrière d’avocat.

  En août 1914, il rejoint le 6e bataillon du Royal Hampshire. Il est tué à la bataille d’Umm-Al-Hannal, en Mésopotamie, le 21 janvier 1916. Une biographie est publiée en 1921 (The Life of Robert Palmer, Laura Ridding).

 

John Boynton Priestley quitte l’école à seize ans pour devenir employé dans une filature, ce qui ne l’empêche pas d’écrire et de faire publier des articles dans les journaux. Il s’engage dans l’armée dès le début de la guerre et prend part à la bataille de Loos, en septembre 1915, au sein du régiment Duke of Wellington. En 1917, il devient sous-officier. Blessé par un tir de mortier, il est évacué en Angleterre. Six mois plus tard, il revient en France. Peu après, il est gazé au cours d’une attaque allemande et soigné à Rouen, où on le déclare inapte au service actif.

  Dans son autobiographie, Margin released (1962), il est très critique vis-à-vis de l’armée britannique. Il y évoque une blessure qui ne guérira jamais, celle de toute une génération qui a été menée à l’abattoir, non par nécessité mais par pure folie meurtrière.

  Après la guerre, il entame une brillante carrière de romancier et d’auteur dramatique. Devenu un écrivain de renom, il travaille pour la B.B.C. pendant la Seconde Guerre mondiale mais la station le congédie sous la pression de Churchill, qui juge ses opinions trop marquées à gauche.

 

Né en 1898, Edgell Rickword n’a que seize ans quand la guerre est déclarée. Il doit attendre septembre 1916 pour rejoindre les Artists’ Rifles. En décembre 1917, il intègre le régiment du Royal Berkshire et arrive en France à la fin du mois de janvier 1918, à Fleurbaix. Il est légèrement blessé à deux reprises. La troisième fois, la blessure est plus sérieuse et nécessite une évacuation en Angleterre, à l’hôpital de Reading. De retour au front en septembre 1918, Edgell Rickword se porte volontaire pour une mission de reconnaissance. Il traverse le canal de la Haute-Deûle à la nage et récolte des informations qui permettront à son régiment de s’emparer de trois villages. Il obtient la Médaille Militaire pour cette action. Son recueil de poèmes de guerre, Behind the Eyes, paraît en 1921.

  Après un bref passage à Oxford, où il étudie la littérature française, Rickword travaille pour le Times Literary Supplement et le News Stateman avant de fonder le Calendar of Modern Letters. Au fil des années, il devient un éminent critique littéraire.

  Socialiste dès son adolescence, Edgell Rickword adhère au Parti Communiste britannique (CPGB) en 1934 et devient dès lors une des figures majeures du milieu intellectuel communiste en Grande-Bretagne. De 1934 à 1938, il édite la Left Review, puis Our Time de 1844 à 1947.

 

Les officiers du 22e Royal Fusilliers espéraient tous que le sergent Munro écrirait sur la guerre une fois la paix revenue. Ce livre, à n’en pas douter, serait différent des autres. Tout le monde dans le régiment connaissait sa renommée littéraire. Mais il a été tué le 14 novembre 1916 à Beaumont-Hamel, dans la Somme, laissant derrière lui une œuvre dont le succès ne s’est jamais démenti au fil du temps. Ses nouvelles à l’humour noir grinçant sont ce qui se fait de mieux dans le genre.

  Né en Birmanie mais élevé en Grande-Bretagne par deux tantes après la mort de sa mère, il devient correspondant pour le Morning Post et se rend entre autres dans les Balkans, en Russie et à Paris. Parallèlement, il entame une carrière d’écrivain sous le pseudonyme de Saki. Entre 1900 et 1916, il écrit deux romans et 135 nouvelles, dont beaucoup ont une dominante fantastique.

   Saki s’engage dès le début de la guerre. Sa connaissance des langues, son expérience de correspondant de presse et ses talents d’écriture lui auraient certainement permis d’occuper un poste gratifiant à l’arrière mais il a préféré rester dans le rang et a toujours refusé de devenir officier. Il a connu trois batailles majeures avec les Royal Fusiliers : Delville Wood, Vimy et Beaumont-Hamel. Peu avant la dernière, il a une crise de malaria mais comme son bataillon doit partir sous peu en première ligne, il ne cherche pas à se faire soigner. Pendant la bataille, il s’abrite avec plusieurs hommes dans un trou d’obus. Le soldat à ses côtés craque une allumette. Munro lui lance : « Éteins cette fichue cigarette ! » Ce sont ses dernières paroles. Un tireur isolé allemand lui loge une balle dans la tête. Ironiquement, il termine sa vie sur une phrase qu’il n’aurait pas reniée pour finir une de ses nouvelles.

  Parmi ses nouvelles posthumes, certaines traitent de la guerre. En 1913, il avait publié un roman d’anticipation intitulé When William Came où la Grande-Bretagne était envahie par l’armée allemande.

  Après avoir obtenu une licence d’histoire à Cambridge, en 1913, Edward Shanks s’enrôle dans l’armée quand la guerre éclate. Il se bat en France, au sein du South Lancashire Regiment, mais est renvoyé en Grande-Bretagne en 1915, jugé inapte à poursuivre le service actif. Il occupera dès lors un poste administratif jusqu’à la fin de la guerre.

  Après l’Armistice, il devient critique littéraire pour le London Mercury et enseigne brièvement la poésie à l’université de Liverpool avant de devenir éditorialiste à l’Evening Standard.

  Son œuvre la plus célèbre est un roman de science-fiction, The People of the Ruins, publié en 1920. Ce roman dont l’action se situe à la fin du XXIe siècle est empreint du pessimisme qui régnait en Grande-Bretagne au lendemain de la guerre.

  Edward Shanks a publié deux recueils de poèmes de guerre.

           

Sympathisante du mouvement des suffragettes et auteure établie au moment où la guerre est déclarée, May Sinclair s’intéresse à la psychanalyse et entre en contact avec le docteur Munro, qui exerce à la clinique Brunswick de Londres. En septembre 1914, ce dernier crée une structure ambulancière pour soigner les blessés belges. Il propose à May Sinclair, alors âgée de 51 ans, de s’associer au projet et de l’accompagner en Belgique en qualité de trésorière. En fait, il est surtout intéressé par la fortune de l’auteure pour financer en partie son expédition. May Sinclair ne restera cependant que quelques semaines en Belgique, ses nerfs ayant craqué à proximité d’un bombardement. Le groupe Munro lui signifie alors qu’il n’a plus besoin de ses services. De retour en Angleterre, elle s’empresse d’écrire le récit de sa courte et frustrante expérience de guerre : A Journal of Impressions in Belgium (1915). Dans ce témoignage, où les règlements de compte ne sont pas exempts, elle  insiste sur le fait que la guerre, même réduite à quelques semaines, change à tout jamais ceux qui y sont confrontés, qu’ils soient combattants, médecins ou infirmières.

            Dans les années 20, May Sinclair contracte  la maladie de Parkinson et doit renoncer à écrire.

           

Tablzau :Herbert Arnould Olivier

Exploratrice britannique, célèbre pour ses nombreuses expéditions dans le Moyen-Orient et en Asie. Auteure de plus de vingt livres de voyage, elle fut une des premières Occidentales à traverser le désert d’Arabie.

            Née à Paris, Freya Stark passe la plus grande partie de son enfance en Italie. Quand la guerre éclate, elle décide de suivre une formation d’infirmière à Bologne. Mais elle tombe malade et doit repartir en Angleterre en 1916, où elle suit la formation de six semaines des infirmières bénévoles. En septembre 1917, elle rejoint une ambulance basée à la Villa Trento d’Udine. Elle incorporera le journal de bord de cette mission dans le premier tome de son autobiographie : Traveller’s Prelude (1950).

            Freya Stark meurt à l’âge de 100 ans, après une vie entièrement consacrée à l’exploration.

 

Les poèmes du pasteur Kennedy sont rarement inclus dans les anthologies britanniques de la Grande Guerre. S’ils ne font preuve d’aucune sophistication littéraire, ils n’en demeurent pas moins dignes d’intérêt, ne serait-ce qu’en raison de la personnalité originale de leur auteur.

  Pasteur à Rugby puis à Leeds, Studdert Kennedy est très proche du monde ouvrier. Il se marie en 1914 et part pour la France en décembre 1915. Il reste quatre mois à Rouen et devient une figure populaire au sein de la troupe. Les soldats le surnomment « Woodbine Willie » car il a pour habitude de leur distribuer des cigarettes de cette marque. Proche des soldats, il n’hésite pas à recourir à un langage peu conventionnel pour un aumônier et même à émettre des doutes sur l’existence de Dieu. Quand l’Église anglicane autorise ses aumôniers à se rapprocher du front, en juin 1916, Studdert Kennedy est d’abord posté dans la Somme, puis dans le secteur de Messines, où il s’occupe principalement du soutien aux blessés. Il reçoit la Croix Militaire pour avoir secouru des blessés dans le no man’s land.

  Après la guerre, il publie six livres, dont un roman. Ses poèmes complets paraissent en 1927. Studdert Kennedy a été sa vie durant un pasteur hors normes, considéré parfois par les autorités cléricales comme une brebis galeuse. Il meurt en 1929.

 

Quand la guerre éclate, le futur auteur du Hobbit et du Seigneur des anneaux choisit de terminer ses études à Oxford avant de s’engager, en juin 1915. Il devient sous-lieutenant dans le régiment des Lancashire Fusiliers et suit un entraînement de onze mois en Angleterre. En mars 1916, un mois avant son départ pour le front, il épouse Edith Bratt.

  Officier de transmissions au cours de l’offensive de la Somme, il participe à la bataille de la crête de Thiepval et à d’autres attaques dans le secteur. Victime de la fièvre des tranchées, il est renvoyé en Angleterre, où il est hospitalisé. Sa santé ne lui permettant pas de retourner en France, il occupe un poste à l’arrière. Son premier fils naît en novembre 1917, époque où il entame la rédaction de La Chute de Gondolin, premier des Contes perdus.

   Dans un ouvrage publié en 2014, Tolkien and the Great War (2005, traduction française : Tolkien et la Grande Guerre, éd. Christian Bourgois), John Garth nous montre que la création de la Terre du Milieu a beaucoup à voir avec l’expérience de guerre de l’auteur. La publication de la correspondance de Tolkien en 2005 a également permis d’apporter de nouveaux éclairages sur l’importance de la Grande Guerre dans la vie et l’œuvre de Tolkien.

 

Né à Hampstead en 1898, Alec Waugh est le frère du célèbre romancier Evelyn Waugh. En 1915, il est renvoyé du prestigieux lycée privé de Shelbourne pour avoir eu une relation homosexuelle avec un camarade. Après avoir rejoint les rangs de l’armée, il écrit The Loom of Youth, roman semi-autobiographique où il fait allusion aux relations homosexuelles entre élèves au sein d’une école privée anglaise. Suite au scandale provoqué par le roman, l’école refuse d’admettre dans ses rangs le jeune frère d’Alec, le futur romancier Evelyn Waugh.

  Devenu officier dans le régiment du Dorset en mai 1917, Alec Waugh participe quelques mois plus tard à la bataille de Passchendaele. Il est fait prisonnier en mars 1918 et passe le reste de la guerre dans des camps de prisonniers à Karlsruhe et Mayence. Certains de ces poèmes, comme « Cannon Fodder » (Chair à canon), sont d’une amertume extrême. Ses mémoires, The Prisoners of Mainz (1919), relatent son expérience de prisonnier. Il y raconte ses tentatives d’évasion et les privations que subissent les prisonniers dans une Allemagne qui meurt de faim.

  Après la guerre, Alec Waugh poursuit une carrière littéraire prolifique. Il n’atteindra cependant jamais la notoriété de son frère Evelyn.

 

Dès la fin du mois d’août 1914, le gouvernement britannique décide de créer un bureau de propagande, dont le siège sera basé à Wellington House. Le 2 septembre, les écrivains ayant une certaine notoriété sont invités à y collaborer. La plupart répondent favorablement. Seul George Bernard Shaw refuse de s’y associer. Tout comme Thomas Hardy, John Galsworthy, Conan Doyle, J.M. Barrie et bien d’autres, H.G. Wells, que ses romans d’anticipation ont rendu célèbre, accepte de soutenir l’effort de guerre et de prêter sa plume à la cause nationale. Dès le mois d’août, il avait écrit un article intitulé The War that will end war, qu’il complétera en octobre pour une publication sous forme de pamphlet. L’expression deviendra célèbre. Le point de vue de Wells est que cette guerre se justifie par la lutte contre le militarisme prussien. La propagande britannique sera essentiellement basée sur ce précepte moral, qui consiste à faire de cette guerre un combat contre toutes les guerres.  En 1915, Wells écrit The Peace of the World et l’année suivante un roman intitulé Mr Britling Sees it Through, où il exprime à nouveau ses idées sur le conflit. Le ministère de la guerre lui demande ensuite de se rendre sur les fronts italien et français, ce qui aboutira à War and the Future: Italy, France and Britain at War, en 1917. Il écrit également de nombreux articles pour le Daily Mail, où il aborde tous les aspects de la guerre, y compris l’objection de conscience et le pacifisme. Il se déclare lui-même pacifiste, à sa manière. Toujours prêt à solliciter ses talents d’écriture et son érudition, le gouvernement lui demande en mai 1918 de travailler au sein du Comité des affaires allemandes, sous l’égide du Bureau de la Propagande. Il en démissionne assez vite pour divergences de vues avec Lord Northcliffe. Il travaille dès lors sur une série de pamphlets où il expose ses idées sur ce que devrait être la Société des Nations. L’organisation internationale qui naîtra deux ans plus tard ne sera qu’un pâle reflet de ce qu’il préconisait.

  Journaliste, historien, auteur, I.A. Williams est le fils d’un député libéral. Après avoir étudié à l’école privée de Rugby et au King’s College de Cambridge, il s’engage dans l’armée en 1914, où il atteint le grade de capitaine. Il publie deux recueils de poèmes en 1915 et 1919.

  Après la guerre, il mène une carrière éclectique. A deux reprises, il se présente aux élections législatives mais sans succès. Bibliographe passionné, il travaille pour  le London Mercury et le Times pour des rubriques littéraires et artistiques. S’intéressant aussi bien à l’art qu’aux chansons populaires et à l’histoire naturelle, il publie des recueils de poésie, des essais historiques sur le Pays de Galles et des ouvrages biographiques.

Will Dyson, Brancardiers près de la Butte de Warlencourt, 1917

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