Angela Forbes (1876-1950)

Fille de comte, divorcée, maîtresse de Lord Echo, elle écrit des romans pour résoudre ses problèmes financiers. En 1914, elle crée une petite cantine à soldats dans la gare de Boulogne. Les autorités militaires la jugeant trop fantasque, elle est priée de plier bagages en 1917. Ses mémoires relatent son expérience singulière.

Une cantinière de choc

  En 1921, Lady Angela Forbes publie Memories and Base Details, ouvrage autobiographique dont de nombreux chapitres sont consacrés aux cantines qu’elle a créées pendant la guerre. Situées à la gare de Boulogne et aux camps d’entraînement d’Etaples, ces cantines permettaient aux soldats en transit et aux blessés légers de bénéficier d’une petite collation, ce qui n’était pas un luxe après les longues heures passées dans le train. Dans l’avant-propos de son livre, Angela Forbes déclare qu’elle a pris la plume pour se faire un peu d’argent. Une autobiographie réussie a pour but de plaire au public, annonce-t-elle d’emblée. Elle ajoute cependant : je n’ai rien écrit que je ne puisse vérifier. Ces propos pourraient nous faire douter de la validité de son témoignage mais ils sont avant tout provocateurs, l’auteur ayant par ailleurs quelques comptes personnels à régler. En fait, le livre regorge d’informations précises, de réflexions avisées sur les rouages de l’administration militaire et d’anecdotes mondaines qui, consignées avec une certaine spontanéité, dressent un tableau très intéressant de la présence britannique sur la Côte d’Opale entre 1914 et 1918.

  Lady Angela Selina Bianca Forbes est la cinquième et dernière fille de Robert St-Clair-Erskine, comte de Rosslyn, et de Blanche Fitzroy, veuve de Charles Mynard., Eduquée par des gouvernantes et initiée par son père aux plaisirs de l’équitation et de la chasse, elle passe son enfance entre les diverses résidences de sa famille. Elle épouse James Forbes en 1896, avec lequel elle a deux filles, puis divorce en 1907. Des ennuis financiers la poussent ensuite à écrire des romans. Elle devient la maîtresse de Lord Echo, avec lequel elle se rend régulièrement au Touquet. Sa demi-sœur Daisy, comtesse de Warwick, a quant à elle été la maîtresse du roi Edouard VII.

  Quand la guerre est déclarée, Angela Forbes quitte ses deux filles pour aller rejoindre l’hôpital du docteur Haden à Paris. Un mois plus tard, à la gare de Boulogne, elle remarque les files de blessés qui attendent pendant des heures sans pouvoir boire ou manger. Elle retourne en Angleterre acheter des vivres et revient installer une cantine à proximité des quais. Le succès est immédiat. Contrairement aux cantines officielles, ces buffets, que les soldats baptiseront Angelinas, sont ouverts 24 heures sur 24. Épaulée par un groupe d’amies, Angela Forbes nourrit les soldats qui descendent des trains, ce qui implique une gestion scrupuleuse du ravitaillement, les quantités de nourriture nécessaires étant considérables.

  Angela Forbes fait publier des annonces dans les journaux pour lever des fonds. Quand en 1915, la Croix-Rouge décide de faire payer les repas aux soldats, elle applique également ce principe et génère du bénéfice, qu’elle utilisera après guerre pour un projet d’aide aux soldats invalides. En 1916, elle ouvre une autre cantine à Étaples, pour les ouvriers qui construisent le camp d’entraînement de l’armée britannique, et une autre encore en 1917 pour les soldats qui s’y entraînent désormais. Dans ses mémoires, Angela Forbes relate la mutinerie d’Étaples, événement sur lequel les informations sont peu nombreuses, les autorités militaires ayant manoeuvré pour étouffer le plus possible l’affaire.

  Quelques semaines plus tard, Angela Forbes est sommée de regagner l’Angleterre avec pour seul motif officiel l’inconvenance de sa conduite. Son langage peu châtié, son excentricité et sa désinvolture vis-à-vis de l’administration, sans oublier son animosité pour Douglas Haig, le commandant-en-chef des forces britanniques, lui valent de nombreux ennemis. On lui refuse une enquête mais son cas sera évoqué à la chambre des Lords, où elle aura des défenseurs.

  Après la guerre, elle tente de créer une structure pour les soldats invalides mais le projet ne fait pas long feu. Après s’être essayée au journalisme, à la vente d’articles de mode et à l’hôtellerie, elle se consacre principalement aux voyages. Elle meurt en 1950 sur l’île de Jersey.

Extrait :

TOMMIES 14-18

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